Outre les soupçons de corruption enregistrés dans l’opération d’obtention des parrainages parlementaires nécessaires pour le dépôt des candidatures à la présidentielle anticipée du 15 septembre, l’affaire des parrainages populaires falsifiés continue à faire couler de l’encre. Dernière nouvelle, un candidat a été même entendu par la Garde nationale. Ainsi, en vérifiant, les citoyens constatent qu’ils ont parrainé des candidats à leur insu, et ces derniers ignorent également ce dépassement, car tout passe par des agences spécialisées dans ce domaine
Le candidat à l’élection présidentielle et secrétaire général du parti de l’Union populaire républicaine (UPR), Lotfi Mraïhi, a été convoqué par la brigade de recherche relevant de la Garde nationale à Monastir concernant une affaire de faux parrainages populaires. Mraïhi effectuait, lundi 26 août 2019, une visite à Monastir, où des citoyens, ayant découvert qu’ils l’on parrainé à leur insu, ont déposé des plaintes à son encontre.
L’instance régionale indépendante pour les élections à Monastir (Irie) a, en effet, reçu 50 recours concernant des parrainages de candidats indépendants ou partisans à l’élection présidentielle anticipée. Dans ce sens, Férid Ben Jeha, porte-parole des tribunaux à Monastir, a fait savoir que le tribunal de première instance a reçu 20 plaintes pour usurpation d’identités et signatures en vue de parrainer cinq candidats à la présidentielle. Les candidats concernés ont été convoqués pour audition, a-t-il affirmé, dont Lotfi Mraihi, candidat retenu pour la course présidentielle.
Essayant de sauvegarder son image, Lotfi Mraihi s’est expliqué, dans une vidéo postée sur son compte Facebook, se montrant compréhensif face à ce qu’il a appelé « la colère des citoyens qui avaient porté plainte contre lui », soulignant qu’il assume ses responsabilités. « Cette affaire touche également 13 autres candidats, soit la majorité ayant opté pour des parrainages populaires et je comprends la colère des citoyens concernés par ce problème », a-t-il déclaré, appelant à trouver une « solution radicale » pour cette opération de parrainages.
Et d’expliquer qu’il n’était pas en charge de la collecte des parrainages et que c’est des « amis » dans diverses régions qui se sont basés sur des « réseaux » pour effectuer cette collecte. Assurant qu’il n’est pas fan de la théorie du complot, Mraihi a affirmé qu’il ne sera pas l’unique personne à être entendue et convoquée dans le cadre de cette affaire.
En fait, ce que ce candidat appelle réseaux, ce sont des agences de communication opérant parfois dans une situation d’illégalité. Selon nos informations, certains candidats ont opté pour de telles agences pour faciliter l’obtention des 10.000 parrainages populaires, c’est-à-dire de simples citoyens, indispensables au dépôt de la candidature. Ces agences recourent, en majorité, à des pratiques peu orthodoxes et même illégales en achetant les bases de données des citoyens contenant le nom, prénom et notamment le numéro de la carte d’identité et falsifient leurs signatures. Ces bases de données, dont la vente est illégale, sont achetées auprès de structures privées, notamment celles qui disposent d’un système de carte fidélité.
Ainsi, en vérifiant, les citoyens constatent qu’ils ont parrainé des candidats à leur insu, et ces derniers ignorent également ce dépassement, car tout passe par des agences spécialisées dans ce domaine.
Toujours dans le cadre de cette affaire de faux parrainages populaires, l’entourage du candidat à la présidentielle Hamma Hammami a démenti les informations portant sur son éventuel interrogatoire, lundi dernier, contrairement à ce que certains médias ont relayé.
Une affaire de justice
L’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), a dès le début clarifié sa position quant aux dépassements dans les opérations de parrainages populaires et parlementaires, indiquant qu’elle opérera ses décisions conformément à celles de la justice.
L’Isie a, par contre, appelé chaque citoyen tunisien à vérifier s’il a involontairement parrainé un candidat à la présidentielle en insérant le code SMS : *195* numéro de la CIN #. Si ce dernier n’a parrainé aucun candidat, le message fournit uniquement l’adresse du bureau de vote, sinon le message affichera le candidat à la présidentielle éventuellement parrainé.
Face à l’ampleur des irrégularités enregistrées dans ces opérations de parrainages, et d’ailleurs, les surprises sont nombreuses, fraude massive, vol de données personnelles et accusations de corruption, l’Isie et l’Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp) ont dû réagir. Si l’Isie s’est montrée ferme à ce sujet et a exigé une décision de la justice, l’Inpdp a appelé les citoyens concernés à porter plainte. « Toute personne ayant découvert que son numéro d’identification nationale a été utilisé, à son insu, pour un parrainage à la présidentielle pourrait porter plainte auprès du procureur de la République ou de l’Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp) », a déclaré le président de ladite instance, Chawki Gueddes.
En attendant le développement de la situation, la société civile a réagi par le biais de l’ONG I Watch qui a organisé une campagne sur les réseaux sociaux « #qui_a_falsifié ? », et a révélé qu’un patron d’usine aurait utilisé les données personnelles de ses employés pour parrainer un candidat. Selon la liste préliminaire publiée par l’Isie, sur 97 dossiers déposés, 26 candidats ont été retenus pour la course à la présidentielle. La majorité des candidatures a été rejetée pour vice de forme en raison de l’absence d’une caution financière et des parrainages nécessaires. Vingt candidats à l’élection présidentielle sont parvenus, rappelons-le, à réunir des parrainages populaires alors que onze avaient obtenu des parrainages parlementaires. La campagne électorale pour l’élection présidentielle doit démarrer le 2 septembre et se poursuivra jusqu’au 13 septembre. Le 14 septembre sera réservé au silence électoral et les élections auront lieu le dimanche 15 septembre, alors que les résultats préliminaires seront annoncés le 17 septembre.
Notons en fin que la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) supervisera les débats électoraux télévisés qui seront organisés pour la première fois en Tunisie.