25 agressions flagrantes ont été enregistrées sur le Domaine Public Maritime de Sousse (DPM) et sont restées intouchables, malgré les décisions de démolition émises par la municipalité.
Le domaine public maritime de Sousse a été illégalement exploité depuis des années par des propriétaires d’hôtels, notamment à travers des constructions en dur ou légers, en infraction aux réglementations et lois claires et strictes qui organisent l’exploitation de ce domaine et le préservent.
Des dépassements en vrac :
Bien que toute agression contre le domaine public maritime soit sanctionnée par des amendes, sur 13 km de côtes, les habitants de Sousse ne disposent que de quelques accès à la mer. Le nombre d’entorses sur le domaine public maritime devient de plus en plus alarmant.
On n’a pas pu avoir un chiffre exact de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL) ni de la municipalité de Sousse concernant le total nombre des violations enregistrées, sachant qu’il faut que le nombre des violations enregistrées par l’APAL soit égal au nombre des décisions de destruction signés par la municipalité, lors des séances de travail avec les différentes parties concernées. Le président de la municipalité de Sousse a même affirmé qu’ils « ne sont pas en train de compter les décisions. »
En croisant nos sources et les données qu’on a pu avoir, 69 violations ont été enregistrées en 2021.
Une séance de travail s’est tenue le 10 janvier 2021, en présence de la gouverneure de Sousse, le président de la municipalité, le chef de service de la police municipale et les agents de l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral. Suite à cette réunion, la Gouverneure de Sousse Raja Trabelssi a demandé, dans une communication écrite à l’APAL, la mise à jour du calendrier des décisions de démolition des constructions légères, « comme demandé par la municipalité de Sousse ».
D’un autre côté, le président de la municipalité a assuré que l’autorité centrale a demandé au conseil municipal de classifier les infractions selon leurs types (en dur/légères) en affirmant que cela n’est pas acceptable et que la municipalité de Sousse fera tout pour que la loi soit appliquée à tout le monde, d’une façon juste et équitable.
Le calendrier des décisions de démolition a été mis à jour lors de la réunion tenue le 23 février, à la municipalité de Sousse. Pour le moment, uniquement 8 décisions de destruction concernant des constructions légères et en dur sont programmées pour la première moitié du mois de mars.
La municipalité de Sousse a déclaré dans un communiqué rendu public le 4 mars, que la police municipale, en coopération les unités de garde maritime et les agents de l’APAL a commencé à démolir les constructions, en tenant compte des impacts environnementaux et les conséquences économiques et sociales des hôteliers, durant cette période critique.
Une volonté de réforme versus des pouvoirs locaux limités:
Riadh Malek, un activiste de la société civile, s’est insurgé contre la violation indue du DPM, mais encore, la violation du droit des citoyens d’accéder librement à la plage. Il a également dénoncé le non-respect total du bornage des propriétés du bord de mer et des réglementations applicables aux concessions de plage par les hôteliers soucieux d’agrandir leur domaine de travail sans prendre en considération les impacts environnementaux et les droits des habitants de Sousse.
Il a assuré que la municipalité de Sousse a fait preuve de volonté réelle pour changer la situation et se montre de plus en plus disposée à appliquer la loi contre tous les transgresseurs. Néanmoins, il a souligné que toutes les autorités devront multiplier leurs efforts pour mettre fin à ces dépassements.
De son côté, Mejdi ben Ghzela, le conseiller municipal à Sousse a considéré que l’adoption des décisions municipales de démolition est une étape très importante dans ce dossier. Il a toutefois déploré les pouvoirs limités des collectivités locales qui ne permettent pas d’appliquer la loi, en toute équité et qui continuent d’entraver l’exécution des campagnes de démolition.
Quels dégâts sur l’environnement ?
Ameur Jridi, expert en environnement et développement durable, nous a confirmé que les nombreuses entorses aux règles sur les côtes entraînent l’accélération de l’érosion des plages, la pollution et surtout, la transformation du paysage. « Il est temps de placer l’environnement au cœur des actions municipales et des décisions politiques », d’après lui.
À vrai dire, préserver le domaine public maritime apportera de multiples bénéfices à l’Etat, qu’ils soient environnementaux, sociaux ou économiques. Dans ce cadre, une perspective environnementale durable et un durcissement des sanctions financières et légales sont nécessaires de toute urgence, afin de préserver le littoral, garantir le libre accès à la plage au public et préserver le droit du citoyen à un environnement sain.
Ce travail a été réalisé dans le cadre de la deuxième édition du programme « Mourasiloun », Reporters de la Démocratie Locale, organisé par la Fondation Internationale pour les Systèmes Électoraux (IFES), bureau de Tunis, qui vise à renforcer le journalisme local à travers un réseau de correspondants locaux.