En 1996, un mouvement mondial d’agriculteurs, appelé «La Via Campesina», a inventé le terme «souveraineté alimentaire» pour décrire un concept puissant et novateur et une vision d’un avenir alimentaire meilleur.
Cette souveraineté alimentaire s’annonce comme une priorité pour les ONG locales, la société civile et les gouvernements afin de se protéger contre les investissements étrangers susceptibles de brader les terres des agriculteurs locaux.
Ils ont défini la souveraineté alimentaire comme «le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables».
Fluctuations liées aux taux de change
En Tunisie, on doit réaliser que si la «sécurité alimentaire» est un autre terme largement utilisé aujourd’hui, elle diffère du concept de souveraineté alimentaire. «La sécurité alimentaire n’implique pas l’endroit d’où provient la nourriture et ne prend en considération aucun rapport de force», de l’avis des économistes.
En ce qui concerne la production alimentaire nationale, la Tunisie n’est pas autosuffisante. En fait, plus de 50% de la nourriture consommée dans le pays est importée de l’étranger. Et ce, bien que la Tunisie produise des aliments destinés à l’exportation vers des pays étrangers, tels que l’huile d’olive, les dattes et les fraises.
La Tunisie produit trop de denrées alimentaires pour l’exportation, et cela coûte cher en termes de main-d’œuvre locale et d’approvisionnement en eau. D’autant que le changement climatique a engendré des pénuries d’eau encore plus importantes, aggravant ainsi une situation déjà problématique.
Outre les nombreux produits agricoles importés, tels que les semences et les engrais, les denrées alimentaires locales ont également été soumises à la pression des prix et aux fluctuations liées aux taux de change.
Une conséquence plus préoccupante de toutes les importations de semences hybrides et de plants d’arbres est la disparition progressive du patrimoine biogénétique du pays. En outre, les agriculteurs locaux se retrouvent à la merci des vendeurs de pesticides.
L’agriculteur tunisien peut produire ses propres semences, mais il ne peut pas les vendre. La plupart des semences sont importées, ainsi que la technologie utilisée pour les produire. Les semences locales ne rentrent pas dans un catalogue spécifique, ce qui est fait exprès pour n’utiliser que les hybrides, selon le chercheur et géographe à l’Université de Paris 8, Habib Ayeb.
Protéger les agriculteurs locaux et leurs semences
Le recours aux agriculteurs locaux pourrait alors constituer un moyen d’échapper à une industrie agricole intensive croissante et à la confiscation de terres utilisées principalement pour la production étrangère.
La question de la souveraineté alimentaire en Tunisie est devenue une priorité, non seulement pour les ONG locales et la société civile, mais aussi pour les représentants du gouvernement, qui tentent, étape par étape, de protéger le pays en imposant des taxes et des obstacles juridiques aux étrangers. Ces efforts visent à réduire les investissements étrangers massifs susceptibles de voler les terres des agriculteurs locaux.
La Tunisie fait partie des pays d’Afrique du Nord qui jouent un rôle de plus en plus important dans la protection des agriculteurs locaux et de leurs semences. Bien que des efforts concertés soient déployés par l’intermédiaire de la Banque des semences, propriété de l’Etat, le chemin vers une souveraineté alimentaire totale semble encore long.
Certains pays voisins sont confrontés à davantage de défis s’agissant de souveraineté alimentaire en raison de leurs régimes politiques et de leurs lois qui ont facilité les investissements de capitaux étrangers et l’exploitation des terres. Le Maroc en constitue l’exemple.