Rencontre avec Laurent Jost, violoncelliste : «Apprendre et apprivoiser son instrument est un exercice quotidien»

Laurent Jost, violoncelliste français de renom, a découvert Yasmine Hammamet il y a quelques années. Et depuis, son rêve d’y organiser des concerts de musique classique ne l’a pas quitté. Il s’est réalisé une première fois en février 2018 et s’est poursuivi du 29 septembre au 2 octobre avec une série de concerts dans le cadre somptueux d’un établissement dédié à l’art et à la culture. Interview.

Comment vous est venue l’idée d’organiser ce séjour musical de prestige en Tunisie ?

L’idée de ces concerts remonte à février 2018. La volonté est commune à M. Raouf Laamouri, le PDG de la chaîne Hasdrubal et moi. Nous voulions aller plus loin dans le développement de la culture à l’hôtel Hasdrubal Yasmine Hammamet en associant la musique et la poésie aux prestigieuses collections de peintures exposées dans l’établissement et propriété de la chaîne. Nous avons d’ailleurs un projet de mettre en dialogue peinture et musique. Donc, après les deux concerts organisés en février 2018, nous cherchions à prolonger l’initiative. C’est alors que nous avons pris les choses en main en France en continuant notre collaboration très étroite avec M. Laamouri. L’idée nouvelle consistait en l’organisation d’un festival musical de prestige doublé d’un séjour touristique afin de ramener des mélomanes de l’Europe entière pour écouter des légendes de la musique classique comme le violoniste Patrice Fontanarosa ou le violoncelliste Roland Pidoux, des ambassadeurs mondiaux de leurs instruments — ou encore la voix d’or de la soprano Sabine Riva ou pour la troisième soirée les textes poétiques lus par Patrick Poivre d’Arvor.

La dimension intimiste des spectacles et l’échange ou encore la proximité entre le public et les artistes y compris pendant le petit déjeuner ou lors des répétitions est-ce là où réside le concept de ces séjours musicaux pour connaisseurs pointus de musique classique ?

Ce que nous souhaitons justement, c’est que les mélomanes avertis puissent se sentir presque entre amis avec les musiciens. Un des participants au public, qui possède des pièces dans sa grande maison au sud de la France remplies jusqu’au plafond de vieux disques et de CD de musique classique, me disait hier : «J’écoute Patrice Fontanarosa depuis des décennies. Il m’est arrivé de prendre un billet d’avion pour Berlin ou pour l’Asie afin d’aller l’écouter en concert. Je crois rêver quand je me rends compte que je suis à quelques mètres de lui ou que je peux lui parler dans le cadre des rencontres du matin avec les musiciens. Lorsque je le vois au petit déjeuner avec Roland Pidoux en train de manger à quelques tables de moi, je suis obligé de me pincer pour croire que je suis vraiment à côté d’eux».

Vous avez prévu une petite master class pour quatre très jeunes musiciens tunisiens. Quels conseils leur avez-vous prodigués ?

Il s’agit encore d’une volonté commune entre M. Raouf Laamouri et moi : on a travaillé primo pour rendre effective la gratuité des spectacles en faveur des étudiants tunisiens de toutes les disciplines, il ne fallait surtout pas que l’argent soit un frein pour les petites bourses des étudiants, et secundo, pour organiser cette master class entre les musiciens français et les jeunes étudiants en musique. La rencontre a été magnifique, elle a donné lieu à un échange libre et interactif entre les uns et les autres. Les jeunes ont pu donc jouer quelques minutes de leurs instruments sous l’écoute attentive des maîtres Patrice Fontanarosa et Roland Pidoux, qui ont donné aux étudiants quelques impulsions et des sujets de réflexion de fond pour que ces jeunes puissent progresser. Les mettre en confiance est très important. S’adressant à un jeune violoncelliste, Roland Pidoux a dit : «Tu as une belle base, maintenant pense à améliorer ta gestuelle de cette façon-là». C’est du très fin pilotage qui ressemble à l’orfèvrerie. Les jeunes ont des outils de communication magique entre les mains, à savoir les tablettes et les smartphones, qui peuvent leur servir à évoluer dans leur pratique. Sur les chaînes Youtube, on peut trouver des master class de grands maîtres et suivre les concerts de grands musiciens. Apprendre et  apprivoiser son instrument est un exercice quotidien.

Vous avez prévu d’autres éditions les années à venir de ces séjours musicaux de prestige. Avez-vous déjà commencé à penser au programme du prochain festival ?

En effet. Il faudrait tout d’abord qu’il y ait assez de participants pour qu’on puisse organiser le séjour. Nous allons communiquer, avec l’appui de personnalités politiques notamment, pour démontrer que la Tunisie n’a rien d’un pays où les touristes prennent des risques sécuritaires. Pas plus qu’à Berlin, Londres ou Paris. D’autre part nous avions pour projet pour la deuxième édition de mettre en place un programme avec des instruments différents, des instruments à vent en particulier. Or, figurez-vous que nous doutons parfois de la direction à prendre parce que les participants au public nous disent : «Nous avons tellement envie de retrouver les mêmes sensations et les mêmes artistes parce que nous nous sentons en harmonie avec eux et qu’il ne faut surtout rien changer !».

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