Reportage – Visite d’inspection et contrôle économique dans les marchés de Tunis : Les PV tombent !

Aux oubliettes, le rapport conflictuel entre les brigades du contrôle économique et les marchands de fruits et légumes. Place au dialogue, à la communication sur les bonnes pratiques commerciales et au rappel à l’ordre.

Ramadan bat son plein ces derniers jours avec la continuelle effervescence des consommateurs qui se ruent sur les étalages des marchés et souks pour s’approvisionner en quantités nécessaires et suffisantes. Mais les prix pratiqués sont-ils conformes à ceux exigés par le ministère du Commerce ? On en doute fort. Malgré tout, les brigades du contrôle économique veillent d’une façon journalière à la transparence et la loyauté des transactions économiques et commerciales. M. Houssemeddine Touiti, directeur du contrôle économique au ministère du Commerce, veille au grain et ne laisse rien au hasard.

Dans la matinée du jeudi 22 avril 2021, pour ne pas déroger à la règle, une traditionnelle tournée d’inspection des prix et une opération de contrôle économique ont été effectuées dans deux marchés de la capitale. Une première au marché Sidi Abdessalem (Bab Saâdoun) et une seconde au Bardo. «Dans le cadre de la préservation du pouvoir d’achat du consommateur et la préservation de ses intérêts économiques, un programme de travail spécifique a été entamé dès le premier jour de Ramadan pour reconcilier les prix pratiqués avant le mois du jeûne. L’objectif de ces opérations est de combattre la spéculation et les augmentations illicites des prix».

Il développe son raisonnement avec force détails : «Tout ce qui est proche de la fraude commerciale, en termes de poids, quantité, condition de stockage et d’exposition et autres dates limites de consommation, est passé au peigne fin. En clair, tout ce qui est en relation avec les informations et les intérêts du consommateur, comme l’affichage des prix et la publicité mensongère».

Appliquer des marges commerciales légalement consenties dans les marchés municipaux et locaux doit être la règle. Ainsi, une marge commerciale de 15% sur les viandes blanches, comme l’escalope de poulet ou le poulet entier, est autorisée par le ministère du Commerce à titre exceptionnel. Certains vendeurs de volailles ne sont même pas au courant de cet avantage et ne pratiquent pas cette marge (sic !). Toutefois, pour en avoir le cœur net, une ronde sur place devient nécessaire afin de partir à la chasse des fraudeurs, qui viennent à manquer à leurs obligations envers les consommateurs. Ainsi, une brigade économique composée majoritairement d’inspectrices est intervenue.

Un contrôle strict et rigoureux

Mme Latifa Jeddi Ben Aïssia, inspectrice centrale au sein de la Direction des enquêtes économiques, sait s’y prendre lorsqu’elle appelle les marchands fraudeurs à la raison pour corriger leurs manquements. Les traditionnels PV, qui sont quotidiennement délivrés aux fautifs, sont à l’ordre du jour. Pas moins de six PV ont été distribués par ses soins pour différentes fautes : non-affichage de prix, indications erronées, pratiques illicites… Ses collaboratrices ont passé au peigne fin tout ce qui n’est pas en règle et ont remis des PV aux contrevenants. Les marchands n’en font parfois qu’à leur tête, même si de bons contre-exemples existent.

De nombreuses irrégularités subsistent

A l’entrée du marché de Sidi Abdessalem, un espace bien achalandé en fruits et légumes, des irrégularités sautent aux yeux. La pancarte qui affiche le prix des fraises est retournée. En la mettant à l’endroit, au lieu du prix du kilo, c’est celui du demi-kilo qui est affiché sur la pancarte. Voilà une première irrégularité qui ne passe pas inaperçue. Des bananes à 4,5 D le kilo sont exposées juste à côté et des oranges douces à 1,6 D/kilo sans fioritures cette fois.

Malgré tout, le marchand va se coltiner un PV en bonne et due forme pour manquement à ses obligations en termes d’affichage des prix. Poursuivant la tournée des stands, les agents de contrôle économique constatent d’autres irrégularités. Absence d’affichage des prix sur les étals, balances non réglementées, factures sur lesquelles ne figurent ni la date ni l’origine des produits… A titre d’exemple, les poivrons doux s’écoulent à 2.300 dinars le kilo, tandis que les tomates se vendent à 2.495 D le kilo, alors que le prix des citrons ou des aubergines n’est pas affiché !

Passons au rayon boucherie à quelques pas pour constater qu’il n’y a pas de foie, traditionnellement utilisé par les Tunisiens pour la préparation du «kaftagi». Volet prix, la viande d’agneau est à 28 D le kilo. Pas de quoi pavoiser au rayon boucherie où l’on ne se bouscule pas au portillon. Chez le volailler, la situation est à l’avantage du consommateur avec les 4 œufs à un dinar et le poulet entier à 5d,990. A 11d,5 le kilo d’escalope de dinde, l’avantage tourne court. Les étiquettes de prix sont mal orientées si bien que le consommateur doit retourner sa tête pour lire le prix. Aïe, il est pris d’un torticolis !

Au marché du Bardo, la situation n’est guère reluisante. Même si une ambiance bon enfant anime l’intérieur du local, l’espace n’a plus tous les attributs d’un véritable marché municipal, de l’avis même de la brigade de contrôle économique, ce qui fait dire à l’un des passants des lieux qui soupire sur un ton amer : «la municipalité a abandonné son marché».

En effet, livré à son propre sort, il est dans un état pitoyable et se compose d’une grande surface d’étalage de fruits et légumes sans aucune indication, ce qui donne l’impression que l’espace ressemble plus à un dépôt qu’à un marché.

A l’extérieur, l’ambiance est plutôt joviale. Ainsi, un poissonnier affiche des prix en règle : 14D800 le kilo de daurades, 20D le kilo de rougets… Non loin, un vendeur de fruits et légumes se voit administrer un PV pour non affichage de prix, alors que son compère à l’intérieur du marché a eu l’idée de placarder sur le mur une grande pancarte affichant les prix des fruits et des légumes afin de faciliter la tâche aux consommateurs. Une manière comme une autre de mettre fin aux soupçons et aux reproches des agents de contrôle économique. Bien vu.

Dans l’ensemble, les interventions des inspecteurs se font sans anicroche et c’est un bon point à signaler, car il ne s’agit pas de couper l’herbe sous les pieds des marchands qui connaissent des difficultés au quotidien. Il y va également de la responsabilité du consommateur qui ne doit pas se faire «rouler dans la farine» naïvement. Appel à la vigilance.

 

Photo : Kouthaier Khanchouch

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