Crise de l’eau: La Tunisie a-t-elle vraiment soif ?

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Chiffres du ministère de l’Agriculture à l’appui, seulement 450 m3 d’eau pour chacun de nous par an, soit deux fois moins que la moyenne mondiale, estimée aujourd’hui à 1.000 m3 par personne. D’après les mêmes statistiques, la Tunisie se situe, à cause d’une forte consommation, au bord d’une extrême pauvreté hydrique.

Ce qui s’est passé à Amdoun, délégation dans le gouvernorat de Béja, n’est, surtout pas exceptionnel et encore moins un fait rare. A Zaghouan, à Gafsa et dans pas mal d’autres régions tunisiennes, les coupures d’eau répétitives, souvent sans aucun préavis, n’ont cessé de nourrir la colère populaire et exacerber des tensions sociales. Un raz-de-marée à n’en plus finir! C’est aussi monnaie courante !

Mais, encore une fois, cela doit remettre la pénurie d’eau sur le tapis. Une question qui semble de plus en plus préoccupante. La Tunisie aura-t-elle soif ? Fort probable, si rien n’est fait, à bien des égards. Tant il est vrai que notre potentiel en ressources hydriques passe au rouge, augurant d’une grave crise d’eau persistante dont on ne connaît pas les conséquences. Et peut-être qu’elle va modifier notre mode de consommation, mais aussi notre façon de vivre. Sous l’effet ravageur des changements climatiques, phénomène universellement implacable, il y aura de quoi avoir peur. Surtout que la rareté de  l’eau demeure, de toute évidence, une réalité qui dérange.

Quand l’eau ne coule plus de source

Parlons-en ainsi, experts et hydrologues tunisiens alertent sur un déficit pluviométrique aggravé par une faible rétention d’eau dans nos barrages. De même, l’épuisement de nos sources naturelles, doublé des pertes considérables enregistrées sur le réseau de la Sonede, fait planer le spectre de révolte de la soif. Quand l’eau de robinet ne coule plus de source ! Serait-ce le syndrome d’un stress hydrique qui secoue les nappes phréatiques et menace, de ce fait, nos réserves stratégiques, déjà, en baisse. Seulement 4,8 milliards m3, jusqu’ici mobilisés, soit tout ce qu’on peut retenir d’une manne céleste assez modeste. Voire une quantité en dessous de la moyenne pluviométrique habituelle, avec 36 milliards de m3 par an. Un bilan jugé loin d’être rassurant par rapport à celui des ans précédents. En 1969-1970, saison des grandes inondations, ce fut le pic jamais atteint en Tunisie, depuis maintenant plus de 40 ans (90 milliards de m3).

Nos barrages touchent-ils le fond ?

Cela faute d’une politique d’économie d’eau à long terme. Chiffres du ministère de l’Agriculture à l’appui, seulement 450 m3 d’eau pour chacun de nous par an, soit deux fois moins que la moyenne mondiale, estimée aujourd’hui à 1.000 m3 par personne. D’après les mêmes statistiques, la Tunisie se situe, à cause  d’une forte consommation, au bord d’une extrême pauvreté hydrique. Nos barrages quasiment concentrés au nord-ouest du pays, plus souvent reconnu comme château d’eau de la Tunisie, semblent avoir touché le fond. Usés par le temps et la surexploitation, leurs capacités de stockage ne peuvent plus satisfaire la demande d’aujourd’hui. Il est bon de rappeler, ici, que moins de 20% de nos réserves nationales sont destinés à l’eau potable, contre plus de 77% à usage agricole. Chiffres à l’appui, le secteur d’irrigation est qualifié des plus gros consommateurs d’eau en Tunisie, soit plus de 400 mille hectares de superficie au total. Tandis que l’industriel et le touristique ne consomment, tous les deux réunis, qu’à peine 3%. Que faire face à ces défis ?

Que la Sonede tire la leçon !

Au vu de ce constat, aussi alarmiste soit-il,  auquel s’ajoutent les coupures d’eau assez fréquentes et l’infrastructure hydraulique mal en point, les protestations sociales ne vont guère s’apaiser. Le feu couve toujours sous la cendre ! Et les manifestations, qui ont eu lieu ces derniers jours  à Amdoun, expliquent bien ce besoin vital d’eau potable dont l’accès n’est plus ce qu’il était. Les habitants revendiquent une solution définitive pour les perturbations et les coupures d’eau courante dans leur région, observées depuis l’Aïd Al Idha. Ils ont scandé « Dégage » face au délégué de la région, demandant ainsi sa révocation. Pire, le chef du district régional de la Sonede ne leur a apporté aucune explication.

Dans ses multiples rapports mensuels, le Ftdes, forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, avait, à maintes fois, tiré la sonnette d’alarme, faisant montre que l’une des causes des mouvements sociaux dans les régions demeure bel et bien le droit à l’eau. Cette source de vie et de survie. Et si la Sonede ne comprenait pas la leçon, faudrait-il craindre le pire ?

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