Il est difficile de juger un homme politique. Adeptes ou contestataires, optimistes ou sceptiques, l’on ne peut qu’accorder à Kaïs Saïed le mérite d’avoir réhabilité des valeurs et des principes, des actions aussi, qu’on croyait, après plus d’une décennie de calvaire et de supplice, révolus.
Elu avec trois millions de voix, Saïed s’est taillé la réputation d’un président qui entretient la flamme et qui s’investit à fond. Et surtout l’image de quelqu’un qui sait se démarquer pour son esprit anticonformiste. Il s’agit d’une conception tout particulièrement favorable aux hommes qui veulent défendre un parcours. Des idées. Un caractère. Une personnalité.
Mais plus que de paroles, la Tunisie est aujourd’hui à la recherche d’actes, de programme, de stratégie et d’alternative. Tout le long des dernières années, le pays a investi dans une classe politique sans grand intérêt. Encore moins un véritable fondement. Même pas une quelconque raison d’être. La logique peu inspirée et rarement au diapason de la Révolution a fait que le peuple n’en a aucunement profité. Il est facile aujourd’hui de comprendre, et par conséquent de déduire, que sans une bonne classe politique, il est difficile d’enclencher le développement escompté à tous les niveaux : politique, social et économique.
Il faut cependant reconnaître que les défaillances et les dérapages de plus d’une décennie trouvaient leur origine dans le déficit d’autorité et dans l’impunité. L’incapacité à faire respecter les règles était liée au refus d’incarner une autorité associée à un ordre bien défini. Les partis politiques étaient dans l’incapacité de gagner et de préserver la confiance des citoyens. Leur marge de manœuvre à ce niveau-là est d’une pauvreté désobligeante. Pire, à aucun moment ils n’ont donné l’impression de pouvoir se réhabiliter. A chaque fois que le redressement d’un parti était annoncé, il subit un coup d’arrêt, devenu à la longue habituel.
Il faut dire que c’est tout le paysage politique qui a lâché ses fondamentaux. En l’absence de stratégies et de travail de fond, ses principaux acteurs s’étaient égarés sur un terrain glissant. Il ne faut pas se tromper : les dérapages des partis politiques sont ce que la pesanteur est à la gravitation terrestre. Les débordements nous amènent même à reconnaître que ceux qui sont censés servir d’exemple et montrer la voie étaient les plus défaillants. Notamment ceux qui ont pris l’habitude de parler au nom du peuple et de prétendre connaître ses véritables besoins.
La déviation et l’incertitude des partis politiques ont causé des répercussions négatives pour le processus démocratique. Une crise d’identité et de valeur, ainsi qu’une déformation compromettante ont engendré une réelle crise de gouvernance et qui a nécessité forcément la rectification du parcours, à laquelle Kaïs Saïed a répondu présent…