L’économie circulaire est un système de production, d’échanges et de partage permettant le progrès social, la préservation du capital naturel et du développement économique. Elle est un mode de production et de consommation, un modèle économique par lequel on doit transiter.
Hérité de la révolution industrielle, notre modèle économique actuel est fondé sur une chaîne de valeur linéaire : extraire des ressources, fabriquer des produits, les vendre, les consommer puis les jeter. Un tel système ne peut être durable dans le temps, car source de gaspillage, de pollution, de diminution des ressources, et de production massive de déchets, précise Habiba Nasraoui Ben Mrad, chercheuse et enseignante universitaire.
Le développement du modèle de l’économie circulaire est devenu une nécessité et n’est plus une option. Ce concept forme un modèle d’affaires innovant, car il invite à la fois à repenser les cycles habituels de production et de consommation. Des pressions importantes s’exercent en faveur de l’émergence d’un nouveau modèle économique, dont la raréfaction des ressources. À côté des énergies fossiles qui s’épuisent, les sols agricoles s’appauvrissent, comme l’a montré la crise alimentaire mondiale de 2008. « On estime, au niveau mondial, à 40 milliards de dollars, le coût lié à l’appauvrissement des sols agricoles ».
L’économie circulaire instaure une boucle vertueuse qui d’une part optimise l’utilisation des ressources naturelles, des matières et des énergies, limite la consommation et le gaspillage, et réduit la production des déchets, d’autre part. Elle est également source de nombreuses opportunités en matière économique et sociale. Ses valeurs correspondent aux trois axes du développement durable, environnemental, économique et social.
L’absence d’une loi
L’universitaire souligne que le cadre réglementaire est important pour que le modèle d’économie circulaire puisse se développer. La loi sur l’économie circulaire est impérative car elle va inciter les jeunes à monter des projets dans ce domaine, et permettre le développement des chaînes de valeur circulaires d’approvisionnement, de recyclage et de gestion des déchets. Cette loi permettra également de mettre au point les mécanismes de financement de cette économie. «Et c’est d’autant plus étonnant l’absence d’une telle loi que la Tunisie est signataire de la Convention sur la diversité biologique, de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), du protocole de Kyoto et de la COP21».
De même, la Tunisie a promulgué la loi de l’Économie sociale et solidaire, un acteur essentiel de l’économie circulaire et qui pourrait être un véritable laboratoire pour ce nouveau modèle économique. Il y a, en effet, une proximité évidente des codes génétiques de l’ESS et de l’économie circulaire : les aspects territorial, environnemental et social de l’activité économique.
«Quand on voit les avancées faites dans le monde entier depuis l’an 2000, on comprend que nous sommes très en retard : la législation sur la gestion des déchets dans l’Union européenne est actuellement mise à jour afin de promouvoir la transition vers une économie circulaire », ajoute notre interlocuteur.
En février 2021, le Parlement a adopté une résolution pour parvenir à une économie neutre en carbone, entièrement circulaire d’ici 2050.
Pari du progrès technologique
Aux dires de l’universitaire, le concept d’économie circulaire a été introduit en France par la loi de transition énergétique du 18 août 2015, qui reconnaît officiellement ce nouveau modèle économique comme l’un des objectifs de la transition énergétique. La France s’est dotée d’une nouvelle instance chargée de défendre ce secteur au plus haut niveau de l’Etat. Il s’agit du Conseil national de l’économie circulaire. Le Japon s’est doté dès 2000 d’une loi pour la formation d’une société basée sur le recyclage. La Chine a promulgué en 2008 une loi de promotion de l’économie circulaire. L’Office québécois de la langue française a rendu disponible un lexique de 120 concepts et vocabulaires de l’économie circulaire intitulé «Entrer dans la ronde».
Nasraoui Ben Mrad a, en outre, révélé qu’il faut comprendre que, pour passer à l’économie circulaire, il faut faire le pari du progrès technologique et des innovations au niveau des procédés de fabrication des techniques de production, des chaînes de valeurs inverses, de filières de logistique inverse, pour collecter et valoriser de manière optimale les volumes de fin de cycle considérables, générés par l’économie circulaire, etc. Cela nécessite qu’une plus grande part du budget soit allouée à la R&D, et que l’Etat change d’attitude à l’égard des ingénieurs et des écoles d’ingénieurs.
Adapter la politique monétaire
«Si réellement nous voulons assurer la transition vers l’économie circulaire, nous devons adapter d’une part la politique monétaire dont le rôle ne doit pas se limiter à faire varier le taux d’intérêt , mais à orienter l’économie vers le modèle circulaire, soit en soumettant le refinancement des banques à un certain pourcentage de crédits circulaires ou en accordant ces crédits à des taux préférentiels, ou alors en réformant le système de financement de l’économie tunisienne, pour instaurer le financement solidaire et participatif, car l’actuel système financier ne pourra jamais gagner le pari de la circularité», précise Ben Mrad.
Et d’ajouter enfin que la transition vers l’économie circulaire est bénéfique à plusieurs titres d’une part pour l’environnement, dont l’impact est limité par la réduction des déchets et la réduction de l’épuisement des ressources naturelles, et d’autre part sur le plan économique et social en favorisant la croissance économique, et générant de nouvelles opportunités d’emploi.