On a vu pour vous — «Eo» de Jerzy Skolimowski: Coup de sabot ! 

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Faire d’un âne le protagoniste central d’un long métrage est un challenge de taille hautement relevé. Jerzy Skolimowski, dans sa dernière œuvre polonaise en date, a offert à son public une errance inédite sur grand écran. Arrêt sur «Eo», prix du jury à la 75e édition du Festival de Cannes.

«Eo», titre intriguant pour un film à l’affiche attractive et juvénile, pourtant, la portée de l’œuvre dépasse l’attendu : elle est universelle, dure et prône une cause juste. Le public est imbibé par des plans attrayants, ceux des lieux où a navigué sur 1h25 «Eo», l’âne : brave et résistant.

Le film est une ouverture vers le monde, vu à travers les yeux de cet animal : Il erre dans un monde injuste, dangereux, enchaîne les rencontres bienveillantes et malveillantes, esquive les dangers, fait l’expérience du bonheur, et du malheur. Sa bonne étoile l’accompagne, et son éternelle innocence le rend attachant.  En se basant, sur sa thématique engagée pour la cause animalière, cette fiction, à bien des égards, fait de l’ombre à d’autres films, présentés simultanément, dans la même section cannoise ou dans d’autres.

La fiction, à la structure narrative éclatée, est signée par un maestro de 84 ans. Une proposition, qui marque un renouveau et casse avec le classicisme au cinéma. «Dixit» le Storytelling connu, place à une nouvelle expérience sensorielle et visuelle revigorante.

Son sens de la transgression, son audace ont peu d’équivalence dans le cinéma contemporain. Tel un itinéraire, le film est vécu comme à dos d’âne, confronté à des situations glissantes, exaltantes, douces-amères, voire violentes. «Eo» est une errance ponctuée d’égarements, discontinue et peu éloquente par moments. L’anthropomorphisme est présent dans l’œuvre qui rend hommage à un animal au tempérament unique, à la patience légendaire, à la grâce effacée aux yeux des humains. L’apparition d’Isabelle Huppert fut brève mais solaire. Ce coup de sabot d’«Eo» fait écho au génie de Skolimowski. Le film est une allégorie insoutenable de la folie humaine.

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