Nouvelle création théâtrale « El Firma » de Ghazi Zaghbani : Un univers absurde et vertigineux

 

Le théâtre Artisto a inauguré un nouvel espace baptisé Kamel Zaghbani avec une nouvelle création « El Firma » (La Ferme) signée Ghazi Zaghbani. Portée par d’excellents comédiens dont Mohamed Grayaâ et Ghazi Zaghbani, lui-même, la pièce nous plonge dans un univers absurde et vertigineux.

Très prolifique, Ghazi Zaghbani n’est pas à sa première création. Il a à son actif plus de 17 pièces théâtrales dont «La Fuite » qui a été adaptée en film. Dans « El Firma », il nous invite dans un monde déboussolé où les personnages sont en proie à des troubles psychologiques. L’aîné (Mohamed Hassine Grayaâ), homme d’affaire rustre, véreux, imbu de lui-même et dont la soif de pouvoir est sans limite, sème la terreur au milieu de son entourage. A son opposé, son frère cadet (Ghazi Zaghbani), faible, peureux et craintif s’investit dans la musique. Ne quittant presque jamais sa chambre, il se défoule dans son instrument pour échapper à un quotidien sordide et à la tyrannie de son frère. Ce dernier est aidé par son homme de main violent qui lui obéit au doigt et à l’oeil.

La musique s’invite donc dans cette ferme qui ressemble à une ménagerie où les passions sont exacerbées. La femme de l’aîné, préoccupée par son physique, n’est pas en reste. Elle est malmenée et déconsidérée. Disputes, engueulades, affrontements sont le lot de sa relation avec son mari. Entre froide indifférence et fulgurantes émotions dans cette ferme, microcosme de la société, en tension permanente, le tumulte est orchestré par le frère musicien. D’un autre côté, les réseaux sociaux s’invitent dans cette famille et causent des dégâts. Une activiste de la société civile, spécialiste dans les affaires de corruption, dévoile les incartades de l’homme d’affaires qui la menace et la prend en otage.

Dans un décor où le fond de la scène représente la chambre de chaque protagoniste, se déroule un récit où se révèlent les personnages et leurs états d’âme. Sur le plan de la scénographie, le metteur en scène varie l’interprétation en utilisant la polyphonie et en mêlant mélodrame et comédie, réel et fantasme, brutalité et empathie. Les mots et les mouvements de corps s’entremêlent dans une belle chorégraphie qui traverse la pièce et bouleverse les certitudes de chacun.

Absence d’amour

Il faut reconnaître d’emblée que, dans cette ferme qui menace de s’effondrer à cause de suspicions douteuses, la vie se transforme en une troublante mélopée tendue où les ambitions de chacun prennent le dessus sur l’amour quasiment absent voire impossible dans cette ambiance chaotique. Les personnages entretiennent des rapports étranges avec un réel qui leur échappe. L’homme d’affaire influent fait sourdre une angoisse, voire une menace qui plane constamment sur les autres personnages, femmes et hommes, habitant sous le même toit.

Mohamed Hassine Grayaâ, Ghazi Zaghbani, Yusra Trabelsi Oussama Ghalem et Iba Hilmi ont mis beaucoup d’énergie pour exprimer l’absence d’amour et la déconstruction de toutes certitudes. En l’occurrence le théâtre lui-même, un lieu d’antagonismes et un espace où la violence et le dérèglement du monde s’exposent de près. Une pièce réussie par la force de la mise en scène et du jeu des acteurs qui ont réellement explosé.

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