Digitalisation, il faudra patienter encore longtemps

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Editorial La Presse

Si la Tunisie devient, aujourd’hui, comme par magie, une cité idéale dans laquelle la gouvernance s’appuie sur l’éthique, la transparence et l’efficacité de l’action publique, il faudra patienter encore quelques années pour que l’effet s’en ressente concrètement. Pour qu’un Tunisien soit bien reçu par les fonctionnaires derrière leurs bureaux, pour que les rues deviennent propres, que les produits subventionnés ne fassent plus l’objet de grands marchandages et de basses manœuvres, pour que les avions de Tunisair soient à l’heure, pour qu’il y ait moins de chômeurs et pour que, surtout, un salaire fasse vivre décemment.

En attendant, la majorité des Tunisiens sont mal lotis. Et entre les annonces faites par les hauts responsables et la réalité de la vie de tous les jours, il y a un monde fait de désillusions. Prenons le domaine ambitieux et désormais incontournable du digital. Un grand projet entamé depuis quelques années à l’échelle nationale dont on ne voit pas encore le début du commencement ou très peu.

Les histoires relayées par les réseaux sociaux, les expériences vécues par les proches et par ceux qui vous abordent spontanément dans l’espoir que leurs voix parviennent à qui de droit témoignent de ce que nous avançons. Demander une pièce administrative, en Tunisie, relève encore et toujours du parcours d’obstacles.

Encore une de ces histoires vécues; on a voulu faire authentifier la mainlevée d’un véhicule auprès des Recettes des finances après avoir passé des années à suer sang et eau pour rembourser le crédit. On vous passe les détails des démarches auprès de la banque, de la municipalité spécifique où Monsieur le chef d’agence bancaire a déposé sa signature et des multitudes de pièces de toutes sortes à produire. Mais encore, dans chaque administration et pour chaque service, il faut imaginer les longues files d’attente, les disparitions subites des fonctionnaires, leur comportement dilatoire, leur mauvaise humeur et l’ennui existentiel qui s’empare de vous à chacune de ces démarches. Enfin, on est arrivé au bout du chemin. Du moins c’est ce qu’on croyait.

On nous annonce alors, dans une agence des Recettes des finances, d’une voix qui monte au fur et à mesure dans les aiguës — par ce qu’on a du mal à comprendre — qu’il faudra d’abord fournir deux copies de mainlevée «con con ?!», (pour dire copie conforme) aux Recettes. Pour chaque copie, l’usager doit, en plus, débourser 30 DT. Ajouter la copie qu’il doit garder, cela fait 90 DT en tout !

La situation étant ce qu’elle est, il est inutile de parler de digitalisation, lorsqu’une seule et même administration, incapable de centraliser ses services, exige du citoyen deux copies du même document, facturées, de surcroît, assez cher.

Comme cette histoire vraie, il y en a des milliers que vivent les Tunisiens au quotidien. Alors, pour ce qui est de la digitalisation du service client, il faudra patienter encore longtemps.

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