Tunisie — Marché africain-Zlecaf: Entre mirage et réalité 

C’est un fait ! Le marché africain regorge d’opportunités économiques et commerciales prometteuses pour la Tunisie et tout est parfaitement confirmé par les chiffres. Même si cela est dit et répété, à maintes reprises, sur le terrain, la réalité est tout autre. Investisseurs et hommes d’affaires rencontrent toujours des difficultés insurmontables pour accéder à un marché gigantesque où le simple nombre des consommateurs fait saliver les grandes puissances économiques. Or, avec l’entrée en vigueur de l’accord Zlecaf, une manne pourrait s’ouvrir aux acteurs nationaux.

A l’exception de l’Algérie et de l’Egypte, la Tunisie a toujours été excédentaire à l’égard des principaux marchés destinataires africains. Bien qu’elle exporte une vaste gamme de biens de consommation, ses exportations vers l’Afrique demeurent dominées par les produits agricoles et agroalimentaires. De surcroît, les pays du Maghreb accaparent la grande part des transactions  avec l’Afrique. Ce manque de diversification est, en effet, à l’origine du potentiel inexploité en ce qui concerne l’Afrique. Une analyse récente  des échanges avec les pays d’Afrique a montré que de nouvelles opportunités peuvent être développées avec les pays membres de la Comesa et de la Cedeao.

Selon cette même analyse, le secteur industriel peut jouer un rôle plus important dans la dynamisation des échanges avec le reste du continent, stimulé par les accords de libre-échange que la Tunisie a signés avec les différentes régions africaines.

Les exportations vers l’Afrique peuvent augmenter de plus de 70% 

En effet, la Zlecaf demeure, en ce sens, un des accords les plus déterminants pour l’avenir commercial non seulement de la Tunisie mais aussi de l’ensemble des pays africains. A long terme, il devrait avoir un impact sur la configuration des échanges commerciaux de la Tunisie et par ricochet sur la compétitivité de son économie.

Tout d’abord, rappelons qu’une étude réalisée, en 2021, par le ministère du Commerce et du Développement des exportations a estimé le potentiel inexploité des exportations à 1.016,3 millions de dollars. Avec l’entrée en vigueur de la Zlecaf, la Tunisie peut s’attendre à une augmentation de 70,5% du montant des exportations vers les pays d’Afrique.

Cette étude a révélé, globalement, que cet accord va permettre à la Tunisie d’augmenter le volume de ses échanges commerciaux avec les pays africains en puisant dans le potentiel inexploité, et ce faisant, elle pourrait améliorer la diversification de ses relations commerciales. Autre bonne nouvelle pour les industriels tunisiens ; cet accord devrait consolider leur présence sur les marchés traditionnels tout en explorant de nouveaux horizons.

En effet, en cherchant à satisfaire la demande des pays africains, les acteurs locaux vont pouvoir améliorer leurs capacités productives. Cette amélioration des performances se traduira par des impacts positifs sur les indicateurs macroéconomiques : le pays verrait son déficit commercial baisser, sa croissance se raffermir et son taux de chômage se réduire. Aussi, la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires peut contribuer à la lutte contre la prépondérance des échanges informels.

En contrepartie, une potentielle réduction des recettes douanières peut être constatée à cause de la suppression des droits de douane. Mais cette perte ne devrait pas, selon l’étude, constituer une crainte car, d’un côté, la libéralisation du commerce avec les pays africains sera progressive (sur une période de cinq ans), et de l’autre, cette baisse sera en bonne partie compensée par une hausse du volume des échanges commerciaux des biens et des services. Les auteurs de l’étude affirment qu’une mise en œuvre efficace de la Zlecaf donnera certainement plus de résilience économique à la Tunisie.

Des difficultés de terrain à tenir en compte 

Il est à noter qu’à partir de cette étude, les autorités ont élaboré un plan d’action qui comprend les actions prioritaires qui vont aider la Tunisie à atteindre ses objectifs suite à son adhésion à l’accord Zlecaf. Elles sont regroupées en six axes, à savoir,  la mise en œuvre opérationnelle de la Zlecaf, l’amélioration de l’environnement juridique et institutionnel, l’amélioration de l’infrastructure logistique, l’amélioration des capacités productives des acteurs locaux, le renforcement de la diplomatie économique et la mise en place d’un système de suivi et d’évaluation.

Le plan opérationnel arrêté a permis d’identifier des actions concrètes, les listes de produits à libéraliser ainsi que l’ensemble des accords et des réglementations qu’il va falloir intégrer au niveau de la législation tunisienne. «Ce sont des actions pertinentes qui vont faciliter l’exportation des produits tunisiens vers l’Afrique », a déclaré à La Presse Touhami Chabir, expert auprès des Nations unies.

En effet, la Tunisie, un des pays pionniers signataires de l’accord, ayant finalisé son offre  tarifaire des biens, mis en place un plan opérationnel et étudié son offre exportable, a du pain sur la planche pour faire sauter les verrous qui entravent la circulation des produits tunisiens dans l’espace commercial africain.

Il s’agit par exemple, de faire face aux monopoles de distribution qui dominent les marchés africains. La mise en place de corridors commerciaux terrestres, facilitant le transport des marchandises sur le continent peut être, en ce sens, une solution envisageable aux problèmes très récurrents de transport et de logistique qui caractérisent les marchés africains.

«Si l’on établit un corridor qui relie la Tunisie au Tchad en  passant par Ras Jedir, cela va réduire non seulement  les délais de transport des marchandises, mais aussi les coûts. Savez-vous qu’il faut compter 40 jours, pour qu’une marchandise atterrisse au Sénégal. Un produit périssable ne peut pas tenir toute cette durée, alors que théoriquement s’il est transporté par voie aérienne, qui soit, de surcroît, sécurisée, il peut atteindre sa destination en moins de 72 heures. A cela s’ajoute le fait que la création de corridors favorisera la création de zones de développement régional, au niveau des aires de repos », a expliqué l’expert.

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