Il suffit ! L’heure est grave et la survie de notre pays est en jeu ; que dire, alors de son avenir. Les décideurs et autres acteurs politiques doivent arrêter une fois pour toutes de s’entretuer. Chaque partie est appelée à se retenir et à engager sa responsabilité pour tout ce qui pourrait se passer si cette ambiance explosive dans laquelle baigne le pays n’est pas immédiatement dissipée.
Ce qui se passe au sommet de l’Etat, depuis des semaines, alors que le pays est au bord d’une faillite totale, est tout simplement honteux. Et la situation sanitaire désastreuse dans laquelle s’embourbe, de jour en jour, le pays, ne peut qu’accélérer ce processus qui pourrait devenir fatal. Celle-ci possède hélas le triste pouvoir d’anéantir à la fois le social, l’économique, le culturel, le mental, et avec eux la souveraineté nationale.
Les conflits, de plus en plus infects, qui secouent le Parlement depuis les élections d’octobre2019 et qui ne semblent pas pouvoir prendre fin, nous ont fait perdre tout ce temps précieux. Ils ont hélas négativement rejailli sur l’exécutif, mais aussi sur l’ensemble du processus de transition démocratique, aujourd’hui en danger. Processus qui est devenu lui-même un problème au lieu de jouer son rôle moteur du progrès.
Sans vrai programme, basée sur une alliance louche, la majorité parlementaire est composée de formations par ailleurs soupçonnées d’avoir reçu des fonds aux origines non claires pour financer leurs campagnes électorales respectives et d’avoir à leur tête des décideurs eux-mêmes faisant objet de soupçons de crimes financiers.
Le Président de la République endosse lui aussi une bonne part de responsabilité dans la crise que nous subissons et qui risque d’emporter l’Etat et le pays avec. Au lieu de rester au-dessus de la mêlée, il a choisi de devenir partie prenante au conflit. Pire, il semble décidé à accaparer le pouvoir exécutif, et ce, en total porte-à-faux avec la Constitution.
Ledit blocage a, par ailleurs, affaibli considérablement l’Etat, déjà dans une situation très inconfortable due à une instabilité politique et sociale qui perdure depuis plus de dix ans. Un Etat surendetté, croulant sous les dépenses en majorité aspirées par le volet fonctionnement, miné par un appareil administratif pléthorique, indiscipliné, noyé dans l’éparpillement et l’anachronisme et ayant à sa tête un gouvernement devenu, par la force des choses, provisoire.
Ce cirque doit immédiatement s’arrêter. Le blocage politique et institutionnel, qui sévit en Tunisie depuis des semaines, et avec lui un surplace des plus destructeurs, côté réformes urgentes et vitales à entreprendre, doit, en effet, laisser la place à l’action. Celle-ci ne pourrait être efficace, efficiente et rapide que sur la base d’une feuille de route claire et consensuelle. Nous n’avons plus le choix.
Se réunir pour établir le plus rapidement possible ce document est, de l’avis d’une bonne partie des acteurs de la vie publique, la seule solution au problème, les pouvoirs publics (l’exécutif et le législatif, surtout et dans une moindre mesure, le judiciaire) ayant perdu une bonne part de leur légitimité même s’ils conservent leur légalité. Des élections législatives anticipées ne pourraient, par contre, qu’envenimer la situation, en plus de leurs coûts directs et indirects que le pays ne peut pas supporter.
Le dialogue tant attendu doit englober les représentants du gouvernement, ceux des partis représentés au Parlement, ceux des organisations nationales, ceux des instances professionnelles ainsi que des spécialistes avec le statut de conseillers. Il ne s’agit pas, là, de créer une instance parallèle au Parlement ou qui ne reflète pas la volonté des électeurs, même si elle est biaisée. Le tout sous la houlette du chef de l’Etat qui est appelé à animer un débat fructueux et non à assener à l’assistance des discours magistraux, comme d’habitude.
Un gouvernement d’unité nationale doit ainsi voir le jour et avoir pour mandat de sauver le pays et d’appliquer, pour cela, les différents outputs dudit dialogue. L’ensemble des composantes de la société civile doivent de leur côté se réunir pour fédérer leurs efforts afin de lancer et de conduire un formidable élan de solidarité qui mobilisera les ressources humaines et financière utiles au plan de sauvetage établi.
L’ «unité nationale » gérée par un « Etat-Parti » qui était, entre 1956 et 1987, le leitmotiv du régime et qui a été remplacé entre 1987 et 2011 par le leitmotiv « solidarité nationale » phagocytée par un « Etat-mafieux », doivent céder la place à un nouveau leitmotiv. Celui-ci devrait être du genre, «unité et solidarité nationales, pour le salut public », au sein d’un Etat des lois et des institutions.