Même si certains citoyens ont pris la peine de s’acquitter de leur devoir électoral tôt le matin, il n’y avait pas foule dans les centres de vote. Les abstentionnistes ont encore frappé !

La scène qu’on décrit est symptomatique de la toute légère mobilisation des électeurs en ce dimanche 6 octobre, jour de scrutin des législatives anticipées 2019. Une personne venue seule se gare à proximité du centre de vote d’Ennasr expressément pour aller voter et revient illico presto en deux minutes chrono et rebrousser chemin. Pourtant, il était onze heures et on ne se bousculait pas à l’intérieur du centre de vote d’Ennasr aménagé dans une école primaire, et c’est tout dire. Un peu plus tôt dans la matinée, vers neuf heures, les électeurs se comptaient sur le bout des doigts, il n’y avait quasiment pas de file devant les bureaux de vote. Le rythme observé est encore plus lent que celui constaté lors du premier tour de l’élection présidentielle il y a de cela trois semaines. La démobilisation qu’on a constatée à l’étranger où le taux de participation ne dépassait guère les 10% risque de se répéter en Tunisie, même si dans une moindre mesure. À vue d’œil, on ne risque certainement pas d’obtenir un meilleur taux de participation que les 49% obtenus lors du premier tour de l’élection présidentielle anticipée. Statistiquement, le nombre d’électeurs inscrits avoisine les 5.000 dans les deux centres de vote visités et pourtant ils sont loin de se presser en ce beau matin dominical. Tout est au beau fixe par contre volet organisationnel avec la présence des organisateurs du scrutin et des équipes de contrôle qui veillent au grain. Au centre de vote d’Ennasr, les gendarmes étaient postés pour sécuriser l’établissement scolaire, chose qu’on ne pouvait vérifier au centre de vote de Borj Louzir. Les affiches qui mentionnent les noms et numéros d’enregistrement des électeurs sont bel et bien collées aux murs d’entrée, ce qui permet de rassurer l’électeur afin de voter en toute sérénité. Mais lorsqu’on entend une personne prononcer en hurlant le nom du « grand parti » choisi par téléphone à son interlocuteur, on se dit que les citoyens ne sont pas responsables dans leurs actes, que dire alors des abstentionnistes ? Les Tunisiens sont dépassés par les événements parfois avec des anecdotes abracadabrantes qui démontrent combien ils ne maîtrisent pas les arcanes de la vie politique. Lorsqu’un citoyen croit qu’aujourd’hui c’est le jour des élections des ministres alors qu’on vote pour choisir un parlement et des députés, il y a un réel problème soit en matière d’éducation et de scolarité, soit un désintérêt qui risque de contaminer d’autres citoyens. Une scène ayant suscité l’hilarité sur les réseaux sociaux a montré un groupe d’électeurs d’un bureau de vote de l’Ariana rentrer précipitamment pour donner leur voix à un parti bien déterminé comme s’ils étaient mandatés pour le faire. Mais le plus grand malaise en ce jour de scrutin porte un seul nom et a une seule cause, celle des personnes qui s’abstiennent de voter.

 Où sont passés les électeurs ?

Le taux de participation entrevu lors du premier tour de l’élection présidentielle anticipée de l’ordre de 49% alors que cinq ans auparavant, il était de 61%, démontre le désintérêt croissant des électeurs. Le scénario pour les élections législatives risque de connaître le même faible taux de participation, sinon avec encore plus d’acuité. Le droit de voter «blanc» est pourtant garanti par la Constitution tunisienne afin que l’électeur s’acquitte tout de même de son devoir électoral et dépasse ses ressentiments. Malgré tout, les électeurs qui ne se sentent pas concernés par la construction de l’avenir de la nouvelle République tunisienne née de la révolution du jasmin du 14 janvier 2014 ou ayant d’autres ambitions à quitter le pays ne l’entendent pas de cette oreille. On peut comprendre leurs états d’âme face à la crise sociale, économique et politique sans précédent que traverse la pays mais on ne peut accepter leur renoncement. Tout autant que celui de la diaspora tunisienne à l’étranger qui se démobilise au fil des ans avec des taux de participation ahurissants. Les derniers échos qui font part d’une participation de 10% vers le coup de onze heures ne tiennent pas vraiment car le taux provisoire serait plutôt de l’ordre de 5 à 6%. Un score risible qui atteste du désintérêt des Tunisiens pour les élections législatives calquées sur le modèle du fiasco entrevu lors des municipales. On risque difficilement d’obtenir un meilleur taux de participation que celui de la présidentielle à la lumière de la mobilisation en mi-journée.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections a pourtant appelé les citoyens à voter massivement sous le slogan : «Ta voix est prioritaire pour l’urne». L’Isie rappelle que les centres de vote à travers toute la République sont ouverts depuis huit heures du matin jusqu’à dix-huit heures. D’ailleurs, de nombreuses personnes songent à aller voter dans l’après-midi pour ne pas avoir à subir le contrecoup de la chaleur, ce qui paraît compréhensible. Les personnes qui n’ont pas voté aujourd’hui auront une dernière chance de décider du sort de la nation dimanche 13 octobre 2019 au cours du second tour de l’élection présidentielle anticipée.

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