Pourquoi est-on devenu plus sceptique qu’avant ?
Avec une presse libre, dans un cadre professionnel réglementé et relativement régulé, l’on ne peut que douter. D’autant que l’effet du sensationnel n’est plus à démontrer. Et dans une large mesure, il l’emporte sur l’information réelle.


Grâce à la révolution, nos médias se sont affranchis des clichés et formules stéréotypées, soi-disant imposés. Pourtant, ils n’arrivent pas, jusque-là, à retrouver leur liberté tant rêvée, celle censée assurer à leur  public l’information dont il a besoin. Et la liberté d’expression, acquise au prix du sang, n’a guère été considérée à sa juste valeur. Sans charte, ni statut professionnel régulateur, l’information a trop versé dans l’excès de zèle. On est dans un paysage médiatique kafkaïen et plutôt cacophonique.

Du reste, on n’a pas suivi la révolution. Journaux, plateaux radio-télévisés ou même des sites électroniques ont fait mal leur marketing, et chacun cherche ses propres intérêts. L’actualité n’est, à leurs yeux, que mettre les pieds dans le plat, sans tenir compte des attentes de la société. L’argent et la politique ont gravement altéré l’identité des médias. Qu’en pense-t-on?  Quel regard porte l’opinion publique sur l’œuvre journalistique? Autour d’un dîner aux chandelles, fourni avec grande générosité par le Pamt, dont le premier mandat touche à sa fin, des professionnels du métier se sont invités au débat. « Débat politique, le sensationnel et la bonne information », un thème auquel on revient avec un autre regard critique. En ce contexte post-révolutionnaire, l’exercice médiatique est mis à rude épreuve. Il faut savamment doser les mots, le dit et le non-dit. Traitement d’information, on ne peut, certes, mettre tous les médias dans le même sac. Toutefois, il y a quelque chose de commun qui les réunit, à savoir les recettes publicitaires. De quoi se nourrissent nos médias ? De source légitime ou non, c’est là que le bât blesse. En campagne électorale, à titre d’exemple, l’information de circonstance pèse sur le bon sens. L’électeur se trouve, ainsi, induit en erreur.

La politique et l’argent !

Ce qu’ont évoqué les journalistes invités, c’est bien un peu de tout. Ils ont fait un tour d’horizon des questions qui interpellent la raison. Nos médias sont-ils contraints à contourner la bonne information ? A qui profite la manipulation ? Pourquoi focalise-t-on trop sur nos politiques, alors que le verdict des dernières législatives a tout balancé à leur encontre ? Le débat journalistique n’est forcément pas politique. Il est aussi d’ordre social et intellectuel. Une analyse de l’influence indirecte due au filtrage de l’information par les médias permet d’expliquer l’émergence de la télécratie, grâce à laquelle, et sans programme sérieux ni argument convaincant, un politicien peut séduire le téléspectateur-électeur rien qu’avec des slogans creux et des techniques publicitaires trompeuses. Certains de nos médias s’y impliquent, volontiers, ne montrant point d’intérêt pour ce qui se passe dans la société. Cette forte liaison qu’entretiennent encore médias et politiques conditionne l’information et crée l’évènement. Soit des liaisons dangereuses, juge-t-on souvent. L’argent sale coule à flots, accuse, consciente, l’opinion publique.

La nécessaire formation

Pourquoi est-on devenu plus sceptique qu’avant ? Avec une presse libre, dans un cadre professionnel réglementé et relativement régulé, l’on ne peut que douter. D’autant que l’effet du sensationnel n’est plus à démontrer. Et dans une large mesure, il l’emporte sur l’information réelle. Cette manière d’aborder l’actualité pose encore problème, dénoncent les journalistes. Beaucoup d’entre eux  se trouvent, parfois, entre le marteau et l’enclume. «Faites ce qu’on vous demande à faire ou rendez le tablier», se plaignent-ils. Ici, le mot d’ordre revient ainsi aux lobbies, ces groupes de pression qui font la pluie et le beau temps. Incontrôlables médias ! Du côté de la Haica, l’on déplore l’absence du pouvoir décisionnel. Au même titre, un temps fou est perdu dans des discussions portant création du conseil de la presse. Sur un autre plan, M. Saïd Benkraiem, directeur du Capjc et régisseur du Pamt, a insisté sur la formation continue au profit des journalistes, un des moyens de renforcement de leurs compétences professionnelles. Outre le don d’équipement, le Pamt, programme d’appui aux médias en Tunisie, s’est engagé, depuis son lancement, à assurer une série de formations transversales. Cela dit, diriger un débat politique mérite, si besoin, une formation académique.

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