Alors que des milliers de personnes défilaient sur l’avenue Mohamed-V scandant des slogans politiques et brandissant des banderoles, samedi dernier lors de la manifestation d’Ennahdha, des mélomanes se rendaient dans un silence religieux au temple de la culture pour assister à l’avant-première du concert « Dialogue des cordes », une œuvre réalisée en coproduction entre l’artiste Kamel Ferjani et l’Opéra de Tunis, avec la participation du grand artiste Lotfi Bouchnak, de la talentueuse Chahrazed Helal et de la grande star Rihab Saghier.

Sous la baguette du maestro Kamel Ferjani, la troupe nationale de musique, accompagnée par l’orchestre symphonique tunisien, a servi une belle prestation mélodique qui a baigné  un public conquis dans une jouvence artistique et l’a emporté dans un voyage initiatique.

En effet, le public a eu droit à un concert qui se propose de jeter des ponts entre l’Orient et l’Occident à travers la musique et de défendre l’idée selon laquelle la diversité culturelle devra être considérée comme « un vecteur de la richesse artistique et de l’humanisme plutôt qu’un prétexte de division et de conflit entre les peuples ».

Le bal a été entamé par un morceau de musique du patrimoine tunisien, avant que le grand artiste Lotfi Bouchnak ne monte sur scène sous les ovations du public pour interpréter avec brio des chansons dont les paroles ont été composées par le poète Adam Fathi et Khaled Al-Waghlani. Servi par une nouvelle orchestration, Lotfi Bouchnak a présenté un bouquet de ses plus belles chansons telles que «Ah Ya khoufi», «Fi ramchet aïn», «Kilma li ashab el karar»  et « Ayech lighnayati». Ces œuvres ont été présentées avec une nouvelle distribution orchestrale signée Lotfi Bouchnak et Kamal Ferjani.

En présence d’un public ravi d’entendre les airs les plus doux et les plus belles voix tunisiennes, tout en respectant le protocole sanitaire imposé par le port du masque et le respect des règles de distanciation, l’orchestre, composé de plus de soixante musiciens sur la scène de l’opéra, a présenté sous la houlette du maestro Kamal Ferjani un florilège d’œuvres éclectiques sélectionnées parmi les pièces maîtresses du répertoire patrimonial tunisien et des œuvres notoires maghrébines et orientales, qui ont séduit l’assistance.

Avec sa voix douce et mélodique, l’artiste Chahrazed Hilal a charmé le public en présentant un bouquet des plus belles et immortelles chansons telles que «Jarat Al-Wadi» de Fayrouz d’après une nouvelle distribution du compositeur Ouness Khalijène et «Bint Bladi» issue du patrimoine marocain, «Elli taa3da we fat» de Hadi Jouini, avant de conclure avec sa nouvelle chanson «Kabertou ya ommi», paroles du poète Nizar Kabbani et composition de Kamal Ferjani, et de céder la place à l’artiste à la voix d’or Rehab Seghaier, qui a enflammé le public  en interprétant la chanson algérienne «Ya Rayeh» du regretté Rachid Taha et «Ya Qawm» et « Ya Biladi» qui sont parmi ses nouvelles productions artistiques, concluant par un hommage à Jérusalem, avec la chanson de Fayrouz «Zahrat Al-Madaen», qui a rencontré un vif écho du public présent au théâtre de l’opéra.

Au cours du concert, place a été faite au musicien Selim Jaziri avec une performance solo sur l’instrument qanun, où il a excellé en jouant une suite instrumentale (wasla) des plus célèbres mélodies internationales et arabes.

Après une heure et demie de symbiose entre les systèmes musicaux orientaux et occidentaux sur le plan du rythme, de la mélodie et de l’harmonie, sans pour autant toucher aux spécificités et caractéristiques modales, tonales et rythmiques des œuvres qui ont été présentées, le concert s’est achevé sur la chanson « ya Chaa3bi ya rouh ennad » brillament interprétée par la chorale de l’orchestre symphonique tunisien.

Ainsi, le « Dialogue des cordes » s’est avéré un concert de musique qui a  su proposer au public une nouvelle expérience de l’écoute d’une musique reprenant des classiques de la musique du Moyen-Orient et du Maghreb dans une mouture orchestrale polyphonique sans perdre de vue ses fondements modaux et rythmiques ni ses subtilités de styles.

Il est à noter également que pour Kamel Ferjani, le choix des voix qui ont interprété le programme du concert « Dialogue des cordes » n’a pas été fortuit mais le fruit d’une réflexion réelle. Car il ne s’agissait pas d’une simple exécution vocale de la mélodie et du poème mais sans doute d’un travail d’interprétation exigeant du point de vue de la tessiture vocale et de la maîtrise des différents styles musicaux.

C’est ce qui explique d’ailleurs le choix porté par le concepteur du concert sur des chanteurs ayant des capacités vocales sans faille et un savoir-faire à toute épreuve comme Lotfi Bouchnak, Chehrazade Helal et Rihab Seghaier. Avec une gestuelle raffinée, un charisme certain et par sa technique rigoureuse, par sa souplesse, la synchronisation harmonieuse avec les musiciens, Kamel Ferjani a pu mener rigoureusement cet ensemble à construire un genre d’interaction qui mène vers une unité entre les différentes composantes de la musique, à savoir la poésie, la rythmique et la mélodie tout en abolissant les frontières et en gardant l’esthétique originelle de chaque pièce présentée.

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