Dépassements dans les prisons et lors des assignations à résidence: Comment protéger les droits des prisonniers et des suspects ?

Avec les événements politiques qui ne cessent de s’accélérer en Tunisie, certains dossiers tombent aux oubliettes. Parmi eux, figurent bel et bien la situation et les conditions de détention dans les prisons tunisiennes.


Si le 25-juillet a apporté un renouveau pour la vie politique, la situation dans nos prisons reste la même à en croire le dernier rapport de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (Inpt). En effet, couvrant le mois d’août dernier, ce rapport, publié récemment, pointe des dépassements à gogo. Examen médical, application du protocole sanitaire, absence du respect des conditions d’hygiène, mauvaise qualité des repas, nombre faible des personnes vaccinées et autres, l’instance tire la sonnette d’alarme compte tenu de ce qui se passe dans nos établissements pénitentiaires.

Le rapport, qui se base sur les différentes visites sur terrain opérées par l’instance, dénonce des dépassements touchant aux moindres droits des détenus,  comme notamment les conditions et les motifs de détention dans les centres carcéraux. On signale, dans ce sens, des actes de maltraitance, de violence extrême et même de torture à l’encontre de certains détenus, outre des cas de séquestration sans motif.

S’agissant des prisons, l’instance pointe du doigt ce qu’elle appelle des conditions difficiles de détention et l’absence d’aération, de climatisation et même d’eau potable pendant les périodes caniculaires.

Et l’hygiène, dans la prison, est déplorable, dénonce le rapport qui confirme que «l’insalubrité et la promiscuité» favorisent la propagation rapide des maladies infectieuses, comme le coronavirus parmi les prisonniers.

Assignations à résidence

Fethi Jarray, président de ladite instance, explique, dans ce sens, que le rapport en question s’est penché également sur la question des assignations à résidence, dont le nombre s’est élevé ces derniers temps avec les événements du 25-juillet. Dans ce sillage, Jarray pointe également des dépassements au niveau de l’application des mesures d’assignation à résidence, dans la mesure où les personnes visées par ces mesures n’ont pas accédé à des décisions concrètes.

«Elles ont simplement signé ces décisions sans avoir une copie comme preuve. Cette décision devait présenter les motifs de ces mesures et les causes de l’assignation à résidence, mais il n’en n’est rien», a-t-il expliqué. D’ailleurs, il qualifie ces décisions de situation peu claire à même de stigmatiser ces personnes. Et d’ajouter que les familles des personnes assignées à résidence ont été soumises à des procédures et des restrictions policières.

Pour ce qui est des personnalités emprisonnées, le responsable affirme que ces dernières jouissent de meilleures conditions que les autres détenus, notamment en ce qui concerne le phénomène d’encombrement. Elles accèdent, de ce fait, à des unités moins encombrées.

D’autre part, l’instance préconise la vaccination contre le coronavirus de tous les détenus et agents travaillant dans les espaces d’incarcération, en donnant la priorité aux personnes immunodéficientes.

Caméras de surveillance et vie privée

Dans son rapport, l’instance critique également des atteintes à la vie privée des prisonniers, suite à l’installation de caméras de surveillance, même dans les unités et chambres réservées aux femmes et aux jeunes détenues. Cela implique une gêne et un sentiment de malaise pour les prisonniers et surtout la sensation d’être toujours contrôlés, ajoute le même rapport.

Face à cette polémique, la Direction générale des prisons et de la rééducation avait expliqué que ces caméras avaient été installées dans l’ambition de contrôler les prisonniers dans un souci sécuritaire, et ce, sans enregistrement. Une version qui avait été confirmée par l’Instance nationale pour la protection des données personnelles (Inpdp). Cette structure a expliqué que la prison de Mornaguia a déposé une demande d’autorisation d’installation des dispositifs de surveillance visuelle, conformément à l’article 69 de la loi organique n° 63 de 2004.

Plaintes à gogo !

Dans ce contexte, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme s’inquiète quant aux libertés en Tunisie, mais surtout quant aux droits des détenus et des prisonniers. Le président de la Ligue, Jamel Msallem, fait état de nombreuses plaintes qui ont été reçues liées notamment à l’interdiction de voyager et au placement en résidence surveillée sans justification judiciaire, outre la question de la situation dans les prisons et les établissements pénitentiaires.

«Nous attendons des éclaircissements de la part du ministère de l’Intérieur concernant les décisions d’assignation à résidence», a-t-il expliqué, précisant que la Ltdh continuerait de surveiller «toute violation des droits et libertés», appelant le Président de la République à mettre en œuvre ses promesses, en particulier le droit à la liberté de circulation, de réunion et d’expression.

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