Restauration de l’école primaire «Tarbakhana»: L’arbre qui cache la forêt ?

L’initiative présidentielle, qui vise à restaurer de toute urgence une des écoles les plus délabrées de l’arrière-pays à Kasserine, ne doit pas être isolée, mais rentrer dans une véritable stratégie nationale de mise à niveau des écoles.


La restauration entière de l’école primaire «Tarbakhana» de Zawiyat Ammar, à Jebel Semama, dans le gouvernorat de Kasserine, offre une opportunité pour marquer dans la durée et le sceau de la qualité la sauvegarde des établissements scolaires des régions défavorisées. Mais il semble qu’elle ne réponde pour l’heure à aucune stratégie de mise à niveau de l’ensemble des écoles de la République.

Le choix du gouvernorat n’est pas fortuit. Il est le plus pauvre de la Tunisie d’après de nombreuses études et peut être considéré dans les esprits comme zone prioritaire. Cependant, cette zone ne doit pas être favorisée au détriment d’autres régions qui souffrent des mêmes conditions déplorables. Lorsqu’on parle d’un budget de sept cent cinquante mille dinars pour cette seule école, il y a matière à réflexion. Le récit d’un état de dégradation avancé de l’école justifie ce lifting de dernière minute. «La plupart des salles de classe de l’école primaire ‘‘Tarbakhana’’ à Zawiyat Ben Ammar sont menacées d’effondrement et l’établissement scolaire qui ne dispose pas d’eau potable n’a accueilli que 50 élèves depuis le début de l’année. Environ 250 élèves ont été empêchés par leurs parents de retourner à l’école en raison de son état lamentable», communique-t-on du côté de l’agence TAP.

D’après le chargé de communication du ministère de l’Education nationale, Mohamed Haj Taïeb, il y a tout de même un plan ministériel qui vise à restaurer 450 écoles primaires sur toute la République durant les prochaines années. Mais combien d’écoles en Tunisie vivent les pires défaillances et vivotent dans l’indifférence générale ? Si on retranche du décompte les 400 écoles privées sur l’ensemble du territoire tunisien qui sont forcément toutes épargnées par ce dépérissement accéléré et l’obsolescence de l’infrastructure scolaire qui s’achemine vers la ruine et la destruction, on estime que le chiffre avancé de 450 écoles publiques qui seront restaurées ne représente qu’une infime partie des écoles, soit 10%, puisqu’on recense 4.568 établissements primaires (étude du réseau Inkyfada en 2018).

Un budget colossal requis ?

Un budget colossal doit être réservé pour la restauration des écoles qui peut dépasser les trois cents millions de dinars en vue d‘aménager et équiper les salles de classe. Exactement, 750 mille dinars qu’on multiplie par les 450 écoles pour obtenir 33.500 millions de dinars… Impensable. Dès lors, il faut se demander quel sera le budget à allouer pour chaque école et si le principe d’équité sera respecté. Mais pas seulement. Rénover la cour de l’école, créer une cantine scolaire, un terrain de sport ou réaliser une clôture sont requis dans la quasi-totalité des institutions scolaires délabrées et infréquentables. Pourtant, d’après une déclaration officielle du ministre de l’Education nationale lundi dernier, un budget de cinquante millions de dinars a été alloué par l’Association professionnelle des banques, ce qui est bien en deçà des attentes et du raisonnement fait plus haut.

Suffira-t-il à restaurer l’ensemble des écoles dans un laps de temps de cinq ans, puisqu’on évoque souvent des programmes quinquennaux du ministère, alors que nous en sommes encore au stade de la première école ? Tant d’actions à entreprendre sur le modèle de ce qui sera entrepris très prochainement à Jebel Semama. La restauration de l’école «Tarbakhana» constitue, en quelque sorte, un projet pilote qui ne devra pas rester sans suite et devra s’étendre à d’autres établissements scolaires en milieu rural en priorité. Un travail de longue haleine qui nécessite la communion entre les gouvernants et les institutions financières pour obtenir un résultat tangible car la décadence programmée du système éducatif ne date pas d’hier. Le retard considérable et le manque de moyens dans les institutions publiques par rapport aux écoles privées ont fini par créer un gouffre.

C’est un secret de polichinelle que d’affirmer que les écoles publiques battent de l’aile avec la déferlante d’images du mal-être des élèves qui s’assoient sur leurs sacs à dos, faute de bancs, de trois élèves par banc dans certaines écoles à Kerkennah en pleine distanciation sociale requise pour lutter contre la propagation du covid-19, malgré l’amélioration de la situation de la crise sanitaire… L’école publique ne fait plus rêver, on ne mise plus sur le savoir à long terme, l’abandon scolaire continue, faute d’infrastructure scolaire digne de ce nom. Un plan d’urgence national, notamment en milieu rural et dans les zones défavorisées du pays, doit être mis en exécution pour restaurer l’ensemble des écoles du pays et toutes les défaillances constatées. Une cartographie des régions prioritaires et ciblées doit informer l’opinion publique sans plus tarder pour que les efforts et les fonds aillent là où il faut, à commencer par les écoles les plus durement touchées, sous peine de passer à côté du sujet.

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