AU FIL DE L’ACTU: Rien ne peut arrêter une nation qui s’est dressée…

Bientôt la première femme Premier ministre de l’histoire du pays, Najla Bouden, sera mise à rude épreuve. Elle aura à gérer les affaires de la cité dans un pays réunissant aujourd’hui tous les critères retenus par les politologues pour définir un État failli. Les gouvernements précédents en ont déjà coché toutes les cases:  endettement extérieur, insolvabilité, effondrement des systèmes financier, hospitalier, éducationnel, dépréciation vertigineuse du dinar, appauvrissements en masse, coupures fréquentes d’eau et d’électricité, taux de criminalité élevé. Autrement, bien plus embarrassantes sont les autres formes de banqueroute : désespoir, détresse psychique et fuite des cerveaux entre autres.

Avec un taux de chômage de plus de 16%, un taux de pauvreté de près de 25%, près de 100 mille abandons scolaires par an, un système de santé fragile et inefficace, une vie entière ne suffit pas pour absorber ce que nous vivons ici, dans ce pays qui n’en peut plus, depuis plus d’une décennie. Car l’argent a coulé à flots et le «jeu» s’est «professionnalisé» dans les allées du pouvoir. Mais n’a-t-on pas dit un jour que «toute vie dirigée vers l’argent est une mort» ?

Hic et nunc, la nouvelle Cheffe du gouvernement héritera d’un terrain politique mouvant, d’un si grave déficit de confiance gouvernants-gouvernés. Car les spectacles offerts des mois durant par une ARP hétéroclite ont été d’une si harassante turpitude. Elle aura donc à rétablir le minimum requis de confiance, en donnant un signal de présence et d’espoir.

Une chose est sûre aujourd’hui. Mais tout est clair comme l’eau de roche. Les Tunisiens qui soutiennent les décisions présidentielles du 25 juillet se sont insurgés contre ce qui est communément appelé deux Tunisie : celle du peuple et celle du pouvoir. Un pouvoir qui a tant tergiversé, joué de la patience des mécontents et compté sur l’usure des corps et des esprits.

Ces mêmes Tunisiens qui cherchent à faire entendre leurs voix ne sont autres que ceux qui ont élevé leurs enfants, les ont poussés vers l’enseignement supérieur afin de les tirer de leur humble condition, mais qui se trouvent tous aujourd’hui au chômage.

Ils sont les mêmes que ceux qui sont partis avec des diplômes de valeur à l’étranger, abandonnant un poste de médecin, d’ingénieur, d’avocat pour devenir maçon ou livreur au Canada.

Ces Tunisiens qui clament haut et fort leur malaise pensent aujourd’hui que «tout s’achète en Tunisie, même les juges».

Par-delà, ils savent ce qu’ils veulent : la probité et la justice, et ce qu’ils ne veulent pas : la vie des damnés de la terre, ceux qui, à 65 ans, souffrent précarité et ghettoïsation. Ceux qui, à 70 ans, travaillent encore, ne pouvant compter sur leur indigente retraite : 300 dinars pour subvenir à leurs besoins.

La nouvelle Cheffe du gouvernement et son équipe à constituer devraient réaliser que les Tunisiens qu’ils vont gouverner connaissaient autrefois peu du reste du monde. Mais aujourd’hui qu’ils voient clair le mode de vie des gens heureux dans les autres coins du globe, ils comprennent plus que jamais l’étendue de leur misère. Ils savent, de surcroît, qu’ils n’ont pas vécu, juste existé. 

En Tunisie, ici et maintenant, dans ce pays pris à la gorge, il y a également des jeunes éduqués qui mènent la contestation mais qui, contrairement à leurs aînés choisissant de s’exiler en masse, préfèrent et souhaitent rester dans le berceau de la naissance.

En Tunisie, ce beau pays qui a, autrefois, enfanté Fatma al-Fihriya, originaire de Kairouan et fondatrice de l’universite Al-Quaraouiyine à Fes (Maroc), il y a des femmes d’exception capables de réussir là où «l’on s’y attendrait le moins». Il y a aussi des journalistes qui ont refusé et refusent encore la compromission avec le pouvoir. Ces historiens de l’instant pourraient éclairer volontiers la lanterne d’un gouvernement appelé à accompagner la marche d’une nation qui s’est dressée. Une marche que personne ne peut arrêter.

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