Médias | RSF épingle l’inquiétante fragilité de la presse et de l’information en Tunisie

Dans un rapport publié récemment, Reporters sans frontières constate que l’acquis de la liberté d’expression gagné à la faveur de la révolution reste toujours otage des acteurs politiques. Ainsi que d’une transition démocratique plus que mouvementée

Désormais arrivant à la 73e place dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), la Tunisie a perdu un rang par rapport à 2019 et 2020. L’organisation vient également de consacrer un rapport à la Tunisie de 36 pages. Dans ce document, qui dissèque dix années de liberté de la presse, RSF rapporte des faits, constate des dérapages et des manquements, exprime une série d’inquiétudes et préconise à la fin une batterie de mesures et de recommandations destinées tant aux pouvoirs publics qu’aux journalistes.

En octobre 2011, RSF, longtemps bannis au temps de Ben Ali, ouvrent leur premier bureau à Tunis. Ils avaient à cette occasion lancé une campagne d’affichage public sur le thème : « Libres jusqu’à quand ? ». Objectif de l’opération : alerter quant à un éventuel retournement de la situation. Cette interrogation reste d’actualité et revient comme un leitmotiv dans ce dernier rapport de RSF.

Des journalistes sous la menace de lois liberticides

D’une part, le retour fréquent des anciens démons et réflexes d’un temps où les médias dans leur presque majorité étaient à la botte du pouvoir et, d’autre part, à cause du manque de volonté politique de réformer ces médias, la situation de la presse et de l’information a été marquée ces dix dernières années par une situation de fragilité à l’image d’une transition quasi chaotique.

« Le paysage médiatique se révèle ainsi difficile à étudier, tant l’indépendance éditoriale et le respect de la déontologie journalistique varient selon le contexte politique — d’autant que les différentes majorités parlementaires qui se sont relayées au pouvoir depuis 2014 ont sciemment ralenti l’élaboration d’un cadre légal permanent garantissant de façon pérenne la liberté de la presse et de l’information », relève Souhaieb Khayati, directeur du bureau de RSF à Tunis, dans l’introduction du rapport.

Comme plusieurs organisations des droits humains nationales et internationales, Reporters sans frontières constate que le chantier censé commencer dès 2014, au moment de l’adoption de la nouvelle constitution, à harmoniser le système juridique tunisien, les décrets-lois de 2011 et les dispositions constitutionnelles favorables à la liberté de la presse et à dépasser l’arsenal juridique hérité de l’ancien régime n’a toujours pas commencé. Ainsi, les journalistes tunisiens peuvent aujourd’hui encore être accusés de : «  diffamation sur la base de l’article 245 du Code pénal ou de l’article 86 du Code des télécommunications, alors que l’article 55 du décret-loi 115 de 2011, s’il avait été complété par la loi escomptée, aurait rendu caduques ces dispositions poursuites abusives à l’encontre des journalistes. Il en est de même pour le délit d’outrage à un fonctionnaire public ou assimilé », critique le rapport.

Une autorité de régulation vulnérable

Le rapport dédie une partie de son étude du cas tunisien à la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) régie par le décret-loi 116. Il épingle sa vulnérabilité et la remise en cause régulière de ses décisions par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Des chaînes de télévision privées comme Nessma TV et Zeitouna TV ont longtemps diffusé par satellite, sans autorisation légale et la Haica n’a rien pu faire pour les arrêter. L’exemple de la radio Quran Karim, que l’Autorité de régulation n’a jamais autorisé à diffuser ses programmes et qui a fonctionné via des émetteurs clandestins, non accordés par l’Office national de la télédiffusion (ONT) est aussi révélateur des limites de la Haica

Cette transgression de la loi va se poursuivre jusqu’au 27 octobre 2021, date à laquelle les forces de sécurité ont fermé la radio en application d’une décision émise par la Haica.

Le même jour, l’instance de régulation de l’audiovisuel tunisien a fait saisir les équipements de diffusion de Nessma TV, lui reprochant « des suspicions de corruption financière et administrative ». Le 6 octobre, toujours sur décision de cette instance, les forces de sécurité ont procédé à la saisie du matériel de la chaîne Zitouna TV. Quoiqu’elles interviennent à un moment délicat pour la liberté de la presse (post-25 juillet), ces décisions sont l’application de procédures entamées par la Haica depuis plusieurs années contre les médias pirates soutenus par différents acteurs politiques ».

Un président imperméable à la presse

Avec l’élection de Kaïs Saïed en 2019 à la magistrature suprême, les journalistes font face à un palais, désormais fermé à la presse et aux journalistes. La situation ne s’améliore guère après le « coup de force » du 25 juillet 2021. Un premier incident contre la liberté de la presse se déroule le 26 juillet lorsque les forces de l’ordre expulsent tous les journalistes des bureaux d’Al Jazeera à Tunis. Sans présenter aucun mandat.

Plus inquiétant encore s’avère le nouveau décret présidentiel promulgué le 22 septembre 2021 : le décret n°2021-117 relatif aux mesures exceptionnelles, qui donne les pleins pouvoirs à Kaïs Saïed. Si les articles 31 et 32 de la Constitution relatifs à la liberté de la presse et d’information ne sont pas directement abrogés, Kaïs Saïed se place désormais au-dessus du texte.  

« Selon l’article 5 du décret 117, le Président s’arroge la prérogative d’édicter les lois qui régissent l’information, la presse et l’édition. Bien que Kaïs Saïed n’ait pas fait, jusqu’à présent, usage de ses pouvoirs contre la presse, les craintes pour la liberté de l’information sont réelles », s’alarme RSF.

Monopolisant désormais tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), les médias audiovisuels semblent revenir dans leur traitement de l’actualité au culte du Président et de sa parole omniprésente, même si celle-ci n’est pas recueillie par les journalistes mais plutôt diffusée par sa communication interne. C’est ce que relève un rapport de la Haica présenté le 13 septembre 2021. On y épingle le manque de pluralisme et de diversité dans les principaux médias audiovisuels publics et privés depuis l’instauration de l’état d’exception.

Des recommandations aux pouvoirs publics

Afin de garantir une réelle liberté de la presse, RSF appelle les autorités à, entre autres : préserver et respecter les garanties constitutionnelles de la liberté d’opinion et d’expression, et de la liberté de la presse instaurées depuis la révolution de 2011. L’ONG recommande d’abroger les textes de loi hérités de l’ère Ben Ali, contradictoires avec les droits et libertés consacrés depuis la révolution de 2011, relatifs notamment aux médias et aux journalistes. Elle appelle les pouvoirs publics à publier une feuille de route claire pour un programme urgent de réformes législatives dans le secteur des médias (Code de la presse, nouvelle loi sur la régulation des médias) qui vise à inscrire dans la loi les plus hautes ambitions de la Constitution et des obligations internationales souscrites par la Tunisie en la matière. Restaurer la plénitude des compétences et prérogatives de la Haica jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives, soutenir le Conseil de la presse tout en respectant et préservant son indépendance et développer une politique publique des médias font partie également de l’arsenal des mesures proposées par RSF.


Télévision

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Depuis le 28 janvier, TiVi5 Monde la chaîne jeunesse des 4-14 ans de TV5 Monde est disponible en HD et SD, sept jours sur sept, en clair et gratuite sur le satellite Arabsat Badr, qui en détient l’exclusivité dans la zone. Avec ses programmes variés issus de la production francophone, dessins animés, programmes éducatifs, séries enfant, magazines, news et longs métrages d’animation, TiVi5 Monde veut devenir la chaîne préférée des 4-14 ans de la région comme elle semble l’être déjà aux Etats-Unis et dans 30 pays d’Afrique où elle connaît un succès grandissant depuis plusieurs années. Des dessins animés comme Titeuf, Les blagues de Toto, Caliméro, Yakari, Bob l’Éponge ou encore Martin Mystère accompagnent sur cette chaine les programmes Découvertes tel, Dessinatruc, Merci Prof, Prenez + l’air, la Francomobile, Tactik ou encore les Niouzz…

La chaîne permet ainsi aux enfants et adolescents de continuer leur apprentissage de la langue française à la maison, en s’amusant, avec des programmes adaptés aux plus petits comme aux plus grands.

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