Dépréciation DU DINAR VIS-A-VIS du dollar: La policy mix, l’arme privilégiée pour défendre le dinar

«Le stock de réserves en devises est le nerf de la guerre. C’est ce que défend la BCT», affirme Béchir Trabelsi, directeur général à la Banque centrale.

Depuis le début de l’année, le dollar n’a cessé de s’envoler. En poursuivant sa hausse, le billet vert s’est apprécié par rapport aux principales devises.

En effet, pour la première fois depuis sa mise en circulation, l’euro passe en dessous de la parité avec le dollar. Une hausse qui, certainement, n’est pas sans conséquence sur les économies des pays émergents et en voie de développement, dont la Tunisie.

Les raisons de l’appréciation du dollar

Les tensions géopolitiques alimentées par le conflit russo-ukrainien, les hausses agressives du taux directeur décidées par la FED pour contrer une inflation galopante aux Etats-Unis ainsi que le risque d’une récession économique dans plusieurs pays du monde, notamment en Europe, ont entraîné ce que l’économiste et directeur mondial, Macroéconomie, Commerce et Investissement à la Banque mondiale, Marcello Estevão, a décrit dans un billet publié au mois d’août dernier de «réflexe sécuritaire».

«Les investisseurs abandonnent leurs positions en Europe, dans les pays émergents et ailleurs, ils cherchent refuge dans les actifs libellés en dollars américains et, évidemment, ils ont besoin de dollars pour les acheter», a-t-il expliqué. Autant dire que le dollar est une monnaie refuge.

Selon les estimations des économistes et des investisseurs, la FED va continuer à augmenter ses taux directeurs au cours de la période à venir.

Mauvaise nouvelle pour les pays émergents et en voie de développement qui vont continuer à se ressentir d’un dollar renforcé.

L’économiste de la Banque mondiale, Estevão, explique en ce sens, que les répercussions d’un dollar fort sur les marchés émergents se font sentir au niveau de la dette (les pays pauvres empruntent généralement en dollars), du commerce (les principales matières premières sont vendues en dollars), mais aussi au niveau de la croissance: pour défendre leurs monnaies, les banques centrales doivent relever leurs taux directeurs, ce qui aurait un effet modérateur sur la croissance.

Une dépréciation due à un dollar fort

Selon les données publiées par la Banque centrale, le dollar s’échange à 3,2009 dinars, à la date du 13 septembre 2022 alors qu’il valait 2,7965 dinars à la même date de l’année dernière, ce qui représente une dépréciation de plus de 14,4%. Une forte dépréciation qui, pour les raisons susmentionnées, conduit à s’interroger sur l’avenir du dinar. Cette question a été, d’ailleurs, abordée lors d’un webinaire qui a été organisé, récemment, par l’Iace et auquel ont pris part Hatem Zaara, directeur général de la BTL, Fériel Ouerghi, experte économique et universitaire, et Béchir Trabelsi, directeur général à la BCT. Faisant le parallèle avec la dépréciation du dinar qui a eu lieu en 2016 et 2017, Trabelsi a rappelé que la politique monétaire menée par la BCT pour défendre le dinar — qui a baissé à l’époque de 40% — a permis de stabiliser le taux de change. En sortant l’artillerie lourde, la BCT n’a pas ménagé ses efforts pour freiner la descente aux enfers du dinar et défendre le stock de réserve: augmentation du taux directeur de 100 points de base en deux fois consécutives et baisse du volume global de refinancement. «Le stock de réserve est le nerf de la guerre. C’est ce que défend la BCT», a-t-il précisé. Il a, en ce sens, indiqué que trois facteurs déterminent la valeur du dinar, à savoir le marché international, la situation de liquidité des banques et les anticipations. S’agissant du troisième facteur, Trabelsi a affirmé que les anticipations sont assez bien ancrées grâce à l’augmentation du taux directeur de 75 points qui a été décidée par la BCT au mois de mai 2022. Il a ajouté que malgré l’aggravation du déficit de la balance commerciale, la BCT arrive à assurer un flux de financement «qui n’est pas mauvais». Précisant que le dinar est en train de se déprécier par rapport au dollar et de s’apprécier par rapport à l’euro, Trabelsi a expliqué que c’est le facteur marché international qui l’emporte sur les autres facteurs. Il a précisé que l’avenir du dinar n’est pas uniquement tributaire de la politique monétaire, mais dépend d’une policy mix qui allie politiques budgétaire, monétaire et des réformes structurelles.

Le taux d’intérêt est le rempart

Expliquant que la valeur du dinar est déterminée par l’offre (les exportations, les IDE, les recettes en devises et les transferts des revenus des Tunisiens résidents à l’étranger) et la demande (remboursement de dettes extérieures et paiement des importations), Ouerghi a souligné, en somme, qu’il est difficile de procéder à une importante compression des importations, la Tunisie étant un pays importateur de produits de base. Même s’il est nécessaire de mettre fin à la surconsommation qui caractérise le comportement du consommateur tunisien et qui aggrave la demande en devises. «On détruit la devise par un pouvoir d’achat en dinars», abonde, en ce sens, le DG à la BCT. «Le taux d’intérêt est le rempart. Si on laisse un dinar qui n’est pas cher et qui est offert à outrance, à fortiori, il y aura une destruction rapide et massive du stock de réserve», a-t-il ajouté.  S’agissant des réformes structurelles, Trabelsi a fait savoir que le gouvernement a déployé des efforts importants en ce sens et que les négociations avec le FMI sont à un stade très avancé. Soulignant que le cas tunisien est différent des cas libanais et sri lankais, il a affirmé que le programme avec le FMI est un programme «qu’on va atteindre», ajoutant que le retard mis dans les pourparlers est dû au fait que la Tunisie met un point d’honneur à négocier certaines propositions et «qu’elle est en train de défendre son point de vue».

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