Préservation des zones humides : Un enjeu stratégique pour faire face au changement climatique

Par Tasnim KHALAF, journaliste qui collabore avec le WWF NA

La Tunisie compte 231 zones humides naturelles réparties en 11 catégories, dont 41 sites d’importance internationale enregistrés sur la liste Ramsar.

Le changement climatique est l’un des défis les plus pesants sur l’humanité, il compromet notre sécurité alimentaire et notre approvisionnement en eau, met en péril notre bien-être économique et social et fragilise l’écosystème dont nous dépendons. Si le 12 décembre 2015 est encore une journée historique dans la lutte contre le changement climatique, après l’accord de Paris sur le climat, comme premier accord mondial juridiquement contraignant pour réduire les émissions des gaz à effet de serre, de nombreux pays ont abandonné leurs engagements et ont poursuivi leurs activités quotidiennes nuisibles à la nature et aux humains.

En revanche, même menacés, les écosystèmes de la planète font parfois preuve d’une grande résilience et la nature peut être source d’enseignements pour l’adaptation des sociétés humaines au changement climatique. Les scientifiques ont démontré que, parmi tous les écosystèmes de la planète, celui qui contribue le plus au développement et à la subsistance de l’humanité, ce sont les zones humides.

Les zones humides garantissent la pérennité de l’humanité

Depuis les millénaires, les zones humides sont des milieux naturels entre terres et eaux (lacs, lagunes, étangs, gravières, estuaires, tourbières, vallées alluviales, mares, marais, ruisseaux, prairies inondables, …) très riches en biodiversité. Les zones humides sur toute la planète sont à peine de 6% de surfaces émergées, et pourtant, elles influencent le climat et participent à sa régulation. Elles sont un véritable stockeur de carbones naturels. A l’échelle mondiale, les tourbières ne couvrent que 3 % de la surface terrestre, mais stockent deux fois plus de carbone que les forêts (qui représentent 30 % de la surface terrestre).

En outre, les zones humides fournissent plus d’un quart de l’eau et de la production primaire, dont un nombre incalculable d’espèces de faunes et de flores dépendent pour leur survie.

Comme des éponges, ces milieux humides protègent l’inondation des infrastructures en absorbant l’excès d’eau en cas de tempêtes ou l’élévation du niveau de la mer. Quand il pleut énormément, ces zones humides se gorgent puis elles nous restituent cette eau au moment des périodes de sècheresse. Et en termes de qualité, elles permettent aussi de recharger les nappes d’eau douces (infiltration de l’eau vers la nappe exploitée). Elles concourent ainsi à notre approvisionnement en eau potable. Toutes ces zones humides sont d’une grande importance pour les moyens de subsistance des populations et pour le maintien de la diversité biologique.

Cependant, le changement climatique, qui se traduit localement par une augmentation des événements météorologiques extrêmes comme les inondations, la sécheresse, l’érosion du littoral…, impacte les zones humides et la dégradation de ces derniers aggrave le réchauffement climatique.

Dans les régions de plus en plus sèches comme la Méditerranée, où l’eau est rare, les zones humides méditerranéennes sont peu à peu asséchées et les écosystèmes sont dégradés face à de fortes et multiples pressions tout autour du bassin, dont le changement climatique. La Tunisie n’est pas à l’abri de tout cela, elle fait face à de nombreux impacts du changement climatique et continuera d’être impactée d’après les projections des scientifiques.

A cet égard, préserver les zones humides en Tunisie est une nécessité urgente pour faire face à la sécheresse et à la rareté des eaux douces. Etant donné la nature aride d’une grande partie du bassin méditerranéen, les pourcentages des surfaces nationales couvertes par les zones humides sont généralement faibles, allant de plus de 8 % en Tunisie à moins de 1 % dans huit pays, principalement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (source: MedEduc project).    

231 zones humides naturelles

La Tunisie compte 231 zones humides naturelles réparties en 11 catégories, dont 41 sites d’importance internationale enregistrés sur la liste Ramsar. Parmi les types de zones humides les plus caractéristiques de la Tunisie, on trouve les lagunes côtières qui jouent un rôle important dans l’atténuation du changement climatique, car elles contribuent à gérer les phénomènes météorologiques extrêmes en atténuant les inondations et les ondes de tempête côtières et en fournissant de l’eau en cas de sécheresse. Inversement, l’assèchement des zones humides ou la réduction de leurs ressources en eau peut entraîner la libération de grandes quantités de carbone stocké. Mais la conversion des écosystèmes naturels, y compris les zones humides, à d’autres utilisations des sols, réduit progressivement la valeur des avantages qu’ils procurent. Les avantages des zones humides côtières en Tunisie ne se limitent pas à la lutte contre le changement climatique, nous mentionnons l’exploitation directe des plantes et des animaux qui dépendent de ces zones humides à travers la chasse et la pêche pour se nourrir ou pour faire paître les animaux. Aussi, ces zones contribuent à fournir et à purifier l’eau dont dépendent les populations qui vivent autour d’elles, pour l’eau potable, l’industrie et la production d’énergie, ainsi que pour l’agriculture irriguée. On peut citer l’exemple de la Ville de Ghar El Melh, région côtière au nord-est de la Tunisie qui possède un riche patrimoine naturel. Elle se trouve sur les rives du complexe lagunaire qui s’étend sur plus de 15.000 ha de Ghar El Melh. Ces lagunes fournissent des services écosystémiques relativement uniques et vitaux à la communauté locale de la région et abritent une biodiversité étendue. Cependant, Ghar El Melh est confrontée à des menaces importantes dues au changement climatique, à la sécheresse et au prélèvement excessif d’eau. D’ici 2100, on s’attend à ce qu’un total de 113 ha de terres gérées traditionnellement et 300 ha supplémentaires d’autres zones agricoles à Ghar El Melh soient submergés. Les dommages attendus sont estimés à 4 millions d’euros par an (source : WWF NA).

550.000 euros par an de dommages

Pis encore, l’élévation du niveau de la mer menace les activités de pêche de Ghar El Melh, sachant que ces activités sont une importante source de revenus pour les habitants de la région (entre 54 et 114 t par an). Les dommages attendus peuvent aller jusqu’à 550.000 euros par an (source : WWF NA). Des projets internationaux œuvrent dans la région du bassin méditerranéen pour une conservation plus efficace de ces zones humides afin de contrer les impacts anthropiques, en particulier le changement climatique.

Le projet Wetland-Based Solutions—une collaboration entre 30 partenaires experts de 10 pays—est un pionner dans la région. Il a mis en place une initiative révolutionnaire pour sauver, restaurer et gérer des solutions naturelles exceptionnelles sur la côte méditerranéenne—où vit un tiers de la population—pour le bénéfice de l’homme et de la nature.

En Tunisie, ce travail est mené par le WWF Afrique du Nord depuis 2018, en partenariat avec des organisations internationales et locales.

Quant à la communauté internationale, elle ne cesse de se mobiliser et convaincre les décideurs à protéger ou restaurer les zones humides et les autres espaces naturels pour faire face aux dangers du changement climatique qui met en péril le bien-être de l’homme.

Et c’est dans ce cadre-là qu’en novembre 2022, la 27e Conférence des Parties à la Ccnucc (COP 27) sera organisée à Sharm El Sheïkh par le gouvernement de la République arabe d’Égypte en vue de relever efficacement le défi mondial du changement climatique.

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