L’invité | Salah Guediche, ancien gardien de l’USM : «Chetali a envisagé de me convoquer pour neutraliser Attouga»

 

Salah Guediche reste un des rares joueurs à avoir évolué au sein d’un club de Ligue 1 à deux postes aussi différents que ceux de gardien de but (de 1962 à 1971, puis de 1977 à 1981) et de latéral droit (de 1971 à 1977). Né le 31 janvier 1949 à Monastir, notre invité de cette semaine s’est engagé pour l’Union Sportive Monastirienne en 1962 lorsqu’il avait signé en catégorie minimes. En 1970, il disputa son premier match seniors (EST-USM 3-1), prenant sa retraite sportive en 1981 (USM-ESS 0-1 AP en demi-finale de la Coupe de Tunisie). Durant sa carrière d’entraîneur entamée en 1982, il prit en charge l’US Monastir (accession en D2 en 1995, et victoire finale en coupe de Tunisie Espoirs en 1987), El Baâth Sportif de Bennane, le Stade Gabésien, l’US Siliana, l’ES Hammam-Sousse, l’Olympique Sidi Bouzid, l’Aigle de Teboulba, l’US Tataouine, Hammet Gabès, Jammel et Khenis, sans oublier ses expériences libyennes à la tête de Derna (accession en D1 en 2009-2010) et Charara Sabha (accession en D1 en 2004). Guediche a, par ailleurs, été directeur sportif et directeur technique des jeunes de l’USM, et consultant à Radio Ribat FM de 2015 à 2017. Enseignant parti à la retraite en 2005, S.Guediche est marié et père de trois enfants.

Si Salah, à l’origine keeper, on vous retrouve un jour côté droit de la défense usémiste. Que s’est-il passé ?

En sélection 1971, Ameur Hizem m’avait convoqué en qualité de gardien aux côtés d’autres portiers en vogue, Kamel Karia (COT et EST) et Mokhtar Ben Hamida (SG). Idem en sélection universitaire du temps de Youssef Zouaoui et Othmane Jenayah. Mais un jour, notre latéral droit titulaire s’est absenté, et j’ai demandé à notre entraîneur, le Yougoslave Miodrag Djorgevic (1969-1971), de me titulariser à sa place. Tout étonné qu’il était, il ne pouvait pas imaginer que je réussirais à ce poste. On jouait contre le Club Sportif des Cheminots du redoutable Ridha Haddad dont je devais croiser le chemin. On a gagné ce jour-là, et j’ai tiré mon épingle du jeu. J’allais m’installer à ce poste de défenseur droit durant cinq bonnes années. Une fois Tabka parti pour l’Etoile Sportive du Sahel, j’ai réintégré mon poste de prédilection, celui de gardien de but.

Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre seniors ?

Contre l’Espérance de Tunis à El Menzah. Tabka avait déjà encaissé trois buts. Pour le protéger, notre entraîneur Djorgevic me fit rentrer après la pause à sa place. Au match suivant, Tabka ne nous a pas rejoints à Djerissa. Une aubaine pour moi. On a gagné (4-1). Malheureusement, alors que je pensais devoir être confirmé, j’ai dû abandonner mon poste de titulaire face au CS Cheminots. C’est alors que j’ai demandé à jouer latéral droit. La suite, chacun la connaît.

Qui vous a fait signer à l’USM ?

Mon maître de sport et ancien joueur de l’USM, Salah Gdouda. Au départ, je n’étais pas gardien. C’est lui qui me fit jouer dans la cage.

A part Gdouda, quels furent vos autres entraîneurs ?

Ahmed Chekir, Ameur Hizem, Mustapha Jouili, Hamadi Henia, Kamel Benzarti, Miodrag Djorgevic, Faouzi Benzarti.

Vos parents vous ont-ils encouragé à pratiquer le foot ?

Oui, pour eux, le sport était un moyen de promotion sociale. Avec mon père Khelifa, pêcheur, et ma mère Habiba, je n’ai jamais eu de problèmes. Nous étions onze dans la famille. Il arrivait à mon père de venir suivre quelques-unes de mes sorties.

Quelle est votre meilleure rencontre ?

Le 24 mai 1981, contre l’ESS, en demi-finale de la coupe de Tunisie. Nous avons perdu (1-0) après prolongations sur un tir croisé de Jamel Garna. Mais ce jour-là, j’ai arrêté cinq ou six buts tout faits. Trois fois, Samir Bakaou s’était présenté seul devant moi; mais à chaque fois, j’ai remporté le duel. Notre entraîneur Faouzi Benzarti a fort bien préparé son match. Cette année-là, l’ESS a remporté la coupe en disposant du ST en finale (3-1).

Et votre meilleur souvenir ?

Notre victoire en finale de coupe de Tunisie Espoirs 1986-87, en lever de rideau de la finale seniors CAB-ASM (1-0). J’étais entraîneur de l’USM, et nous avons dominé le Club Sportif Hilalien (4-1). En fait, le président Habib Bourguiba a toujours rêvé de décerner une fois dans sa vie une coupe de Tunisie à l’USM, le club de sa ville natale. Une vraie coupe, et qui ne soit pas celle, symbolique du 3 août. Eh bien, nous lui avons donné ce plaisir à l’occasion de la dernière finale à laquelle il assistait avant sa destitution.

Combien de générations de joueurs avez-vous côtoyé ?

Deux. La première se compose de Moncef Tabka, Nouri Hlila, Ridha Bchir, Ghedira, Abdelkader  Bouzgarrou, Mustapha Belhassen, Ridha Jaziri…. Dans la seconde, on trouve Bouraoui Jammali, Hamadi Trimèche, Khelifa Boualloucha, Ghandri, Kallala, Zrafi… Avec Mahfoudh Benzarti, «El Moujahid», j’ai livré un seul match. Tabka était blessé, et on jouait face au CSC. Nous avons perdu (2-1), j’ai pris un but-gag. Après le match,  je n’ai pas arrêté de pleurer. Benzarti m’a consolé.

Quelle était votre idole ?

Attouga. Il était encore plus fort que Tabka. Pourtant, on nous disait que Ayachi était le meilleur gardien tunisien de tous les temps. Kanoun, aussi. Parmi les keepers que j’ai côtoyés, je dois admettre que Attouga reste le numéro un.

Quels sont les meilleurs joueurs de l’histoire de l’USM ?

Mahfoudh Benzarti et Hedi Merchaoui qui a épousé une carrière professionnelle en France.

Et de l’histoire du football tunisien ?

Beaucoup disent que c’est Noureddine Diwa. Je ne l’ai pas vu jouer. Parmi ceux que j’ai connus de près, c’est sans doute Abdelmajid Ben Mrad que j’ai côtoyé en sélection 1971.

Comment s’est passée votre reconversion d’entraîneur ?

A peine les crampons raccrochés, notre dirigeant Hedi Benzarti m’a prévenu qu’il allait me lancer comme assistant de l’Allemand Dieter Schulte qui avait assisté le célèbre Dieter Cramer. J’étais parti à Macolin, en Suisse, suivre un stage de formation: licence «C» en 1985, et «B» en 1986 avec Kamel Chebli, Ali Kaâbi… En 1983-84, j’ai été adjoint du Yougoslave Radojica Radojicic, et en 1989-90, j’ai relevé le Français Dominique Bathenay.

Comment trouvez-vous l’USM aujourd’hui ?

L’argent est devenu le nerf de la guerre. Je crains qu’un jour la famille Mabrouk se désengage de l’USM, et que les caisses du club s’en retrouvent à sec. Terrible perspective à laquelle je ne veux même pas penser.

Que représente pour vous la ville de Monastir ?

Les poumons par lesquels je respire. Quand j’entraîne loin de Monastir, je profite de mon jour de congé pour faire le tour de ma ville natale à bord de ma voiture et faire le «plein» de l’air de la corniche, du Ribat, de la falaise…. C’est comme si je découvrais pour la première fois les charmes d’une séduisante jeune fille.

Des regrets pour n’avoir pas fait carrière en sélection ?

Pas vraiment. Mes convocations en sélection «B» suffisent à mon bonheur. Pourtant, j’aurais pu avoir une chance au Mondial argentin. Il y a une quinzaine d’années, de passage à Monastir, Abdelmajid Chetali a pris un café avec moi. Il m’a confié qu’il avait pensé à moi pour «neutraliser» Attouga avant le départ pour l’Argentine. Durant cette saison-là,  j’ai en effet arrêté trois penalties face à Ali Kaâbi, Hamadi Agrebi à Sfax et Tarek Dhiab. Mais le Bureau fédéral s’est opposé à ma convocation parce que j’étais considéré comme un trouble-fête, un gardien indiscipliné et «à problèmes», notamment avec les arbitres.

Que faites-vous à présent ?

Jusqu’en 2016, j’ai assuré les fonctions de directeur technique des jeunes au sein de mon club de toujours, l’Union Sportive Monastirienne. Ensuite, j’ai préféré prendre du recul, et profiter un peu plus de tout mon temps. Mon long parcours avec les catégories des jeunes m’a ouvert les yeux sur les grosses difficultés de communication éprouvées par les jeunes entraîneurs qui viennent de sortir des Instituts de sport. Il ne suffit pas d’étudier le sport et l’éducation physique pour réussir. Il faut aussi avoir vécu une carrière de joueur au moins honnête, comme on dit. En effet, rien ne remplace les sensations de joueur.

Parlez-nous de votre famille…

J’ai épousé Anne en 1977. Nous avons trois enfants: Khelifa, propriétaire de restaurants à Lyon, en France, Slah, directeur d’exploitation d’une chaîne de restauration à Paris, et Alyssa, audit comptable à Dubaï.

Enfin, si vous n’étiez pas dans le football, dans quel autre domaine auriez-vous exercé ?

Dans le journalisme. Je dois reconnaître avoir mordu à l’hameçon lorsque j’ai été sollicité par Radio Ribat FM pour servir de consultant. Cette expérience m’obligeait  de me documenter, d’être toujours à la page et au fait de tout ce qui se passe, et d’approfondir ma réflexion et le regard que je porte sur l’actualité. Une belle aubaine.

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