Prenons soin de nos producteurs

Editorial La Presse

 

Penchons-nous aujourd’hui sur une autre question tout aussi souveraine que les équilibres économiques et financiers : l’équilibre alimentaire. La Tunisie est un pays agricole et agroalimentaire. Il y a de bonnes pratiques, des terres agricoles, des spécialisations, un savoir-faire.

Dans le monde entier et depuis une année, l’inflation a frappé d’abord et surtout cette catégorie de produits. Tous les prix des intrants, indispensables à la production agricole, comme les semences, les produits phytosanitaires, les engrais ont explosé. Même le matériel d’irrigation.

En gros, dans le monde entier, il y a deux catégories de pays : ceux qui paient les produits agricoles et agroalimentaires plus chers ; et ceux qui n’en trouvent même pas. C’est pourquoi la Tunisie a besoin, maintenant plus que jamais, de ses agriculteurs, ses éleveurs, ses fellahs.

Produire des fruits et légumes coûte plus cher qu’avant. Or, si le producteur ne couvre pas ses coûts, s’il n’engrange pas une marge minimum de bénéfices, il n’investira plus l’année suivante. Il ne travaillera plus à perte. Peut-on lui en vouloir ? Le produit agricole suit grosso modo deux étapes : celle de la production et celle de la commercialisation pour arriver au consommateur final. Le producteur doit avoir une marge décente. Le commerçant aussi. Décente, pas prohibitive, ni spéculative.

De fait, si les exploitants agricoles ou les petits paysans ne gagnaient pas suffisamment d’argent, ils abandonneraient ce domaine d’activité vital et souverain. Si l’Etat, croyant bien faire, les oblige à vendre leurs productions à perte, ils vont progressivement et légitimement cesser de produire.

Et si on stigmatise, comme c’est le cas aujourd’hui, les gens qui investissent, les hommes d’affaires, les producteurs, les agriculteurs, ils iront ailleurs sous d’autres cieux où ils vendront leur patrimoine et feront autre chose ou rien, se contentant de consommer petit à petit le capital gagné à la force du poignet.

La banque du petit paysan est son cheptel. Or,à cause de la sécheresse, d’une très forte hausse des intrants et du manque d’encouragement de l’Etat, il ira consommer ses économies; il vendra son bétail. Au rythme où vont les choses, le pays risquerait un jour de se retrouver sans viande, et le fellah sans argent pour acheter des semences et lancer un nouveau cycle. Et c’est valable dans tous les domaines. Moralité, l’Etat doit trouver des équilibres entre le producteur et le consommateur. Entre celui qui produit et celui qui achète. Si cet équilibre est rompu, on vous laisse imaginer la suite. Elle s’appelle pénuries alimentaires et exode rural aggravé.

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