«Backstage» de Afef Ben Mahmoud et Khalil Ben Kirane: Le récit par la danse

Sélectionné aux Giornate degli Autori de la 80e Mostra de Venise et présenté au festival Cinemamed là où nous l’avons visionné, Backstage, le film de Afef Ben Mahmoud et Khalil Ben Kirane, saisit l’art de la danse et en fait un élément d’écriture… Troublant…


Très rares sont les duos dans le cinéma arabe. Allez savoir pourquoi ! Mais en général lorsqu’il y a un duo derrière un film c’est que l’œuvre produite a du «coffre» comme on dit, parce qu’elle contient un double souffle, une co-respiration fondée sur la confiance, voire sur la fusion dans un idéal artistique qui prend l’image pour grammaire et syntaxe. Si on vous parle de duo (dans la vie comme derrière la caméra) c’est parce que le film «Backstage» est co-réalisé par Afef Ben Mahmoud et Khalil ben Kirane.

La danseuse Aïda, incarnée par la réalisatrice, est blessée lors d’un spectacle. Du coup, sa participation au prochain spectacle est remise en cause ce qui introduit au sein de l’équipe une agitation certaine. Comble de la situation, le bus transportant ces artistes tunisiens sur les routes caillouteuses du Maroc, vers leur destination sur scène, tombe en panne en plein cœur de la forêt.

On entre dans ce film comme dans une boîte magique. Et la boîte vous donne ses clés de lecture d’emblée. La clé est une scène de danse où la caméra est très proche des corps et des gestes et puis du regard. Que représente le regard dans une scène de danse ? Dans le film il représente un moyen de communication entre les personnages et une fenêtre ouverte sur leur (s) intérieur(s). À notre sens il s’agit d’une scène clé dans le film parce qu’elle nous présente tous les personnages non pas à travers ce qu’ils disent ou ce qu’ils pensent mais à travers ce qu’ils dansent. Une fois les personnages perdus dans la forêt, l’écriture avec la danse se transforme et devient récit non pas de l’intériorité immédiate des personnages mais de leur historique et de leur inconscient qui trouve sa source dans le règne animal. L’apparition de cet animal comme dans un songe en arrière-plan des danseurs semble soutenir les propos du film dans ce sens. C’est de l’onirisme ? Oui, on vous dit ! Mais qui n’échappe pas aux mains de Afef Ben Mahmoud et Khalil ben Kirane. Il y a juste ce qu’il faut du côté de l’image du montage et du son pour ne pas glisser dans la science-fiction et Dieu sait à quel point la frontière est ténue. Toute au long de cette traversée de la forêt où le règne minéral et végétal devient aussi des personnages, chaque élément du groupe raconte et se raconte à travers l’art de la danse sans ambages et sans bavardages superflus. L’émotion passe et le propos est poignant. Nous espérons voir bientôt ce film sur nos écrans.

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