«Le Porteur d’Histoire» d’Alexis Michalik: Aussi romanesque que cinématographique

Vu à El Teatro la semaine dernière, «Le Porteur d’Histoire», un objet théâtral déroutant telle une chasse au trésor littéraire, créée et mise en scène par Alexis Michalik.


A chaque mot, à chaque phrase, les histoires se tissent, s’imbriquent, se mêlent et se démêlent comme une pelote de laine. Les mots sont images, les images sont un univers, un récit, des aventures, une action. Le tout projeté sur un tableau avec de la craie blanche qui marque les mots clés. L’art de raconter, l’art de capter l’attention du public, celui d’inspirer des images que seul le mental ou l’imaginaire arrive à construire. L’art de combiner l’Histoire avec les histoires, romancer une part d’une histoire collective et s’immiscer dans les mailles des récits de vie. Hisser les histoires anodines, ordinaires au rang d’un maillon fort du schème de l’Histoire.

Cet ensemble commence par un prologue qui lance le tracé de ce qui va suivre, mettre les assises d’un consensus entre la pièce et le public. Placer les règles du jeu au centre avec, pour simples outils, des comédiens, des personnages qui incarnent plusieurs autres, un conteur à la fois juge et partie, à la fois maître du jeu et metteur en scène et en images. Celui qui opère un voyage dans le temps et dans l’espace pour proposer des pistes et en brouiller certaines. Entre faits historiques réels, fiction, personnages connus et d’autres pas, l’ensemble, une aventure passionnante qui commence comme une scène d’ouverture d’un film d’aventure et d’intrigue fait de secrets, de conspirations, de révélations à la Da Vinci code ou au nom de la rose. Quand l’Histoire cache ses secrets et les histoires des gens, lui hôte le voile. Nous sommes en plein dans un grand labyrinthe, il fait se laisser guider pour trouver la sortie.

Voici le point de départ : Par une nuit pluvieuse, au fin fond des Ardennes, Martin Martin doit enterrer son père. Il est alors loin d’imaginer que la découverte d’un carnet manuscrit va l’entraîner dans une quête à travers l’Histoire et les continents. Quinze ans plus tard, au cœur du désert algérien, une mère et sa fille disparaissent mystérieusement…

«J’ai pris un livre, machinalement. Je l’ai ouvert au milieu. Ce n’était pas un livre, c’était un carnet manuscrit. Et là, je suis rentré dans l’Histoire…» et, nous aussi, nous plongions sans réfléchir dans ce monde onirique dont le magicien connaît les codes.

Tout ce jeu est mené par des comédiens énergiques, habiles et à la technique fluide. Cette fluidité nous fait passer d’un personnage à un autre, ou d’un lieu à un autre sans aucun blocage, et cela semble pour nous, spectateurs, d’un naturel déroutant. Les rebondissements sont jubilatoires, l’excitation avant chaque nouvelle étape ou révélation est à son comble. Et nous découvrions à chaque fois l’incroyable pouvoir de l’imaginaire et de ce que révèlent les pages d’un livre.

Comme des poupées russes, les histoires multiples qui traversent le temps s’emboîtent et s’entrecroisent comme des souterrains secrets et nous sommes transportés par leur rythme et leurs péripéties.

Et même si cela semble compliqué, l’ensemble n’est point laborieux, bien au contraire, c’est un tour de force avec des rebondissements et des imprévus pour lesquels nous nous laissons faire, docilement et dévorés de curiosité. Et comme dans un puzzle géant dont les épisodes, reliés dans le désordre, tissent une histoire à dormir debout, qui devient Passionnante, nourrie de références littéraires amusantes. Nous renouons avec finesse et sans nous en rendre compte avec l’enfance et faisons confiance au pouvoir des mots et de l’imaginaire. Michalik fait du spectateur son premier partenaire, sculptant son édifice d’histoires à volonté sans jamais percer l’épais manteau de mystère qui recouvre son réseau nerveux, ses enjeux profonds. L’énergie et la conviction des cinq comédiens achèvent d’en faire un must. Spectacle gigogne «Le Porteur d’histoire» sillonne entre autres l’Algérie, les Ardennes et le Canada sur les traces d’un énigmatique trésor littéraire qui se joue des styles et des époques.

«Le Porteur d’histoire» est un roman, un film, un conte, une légende, un feuilleton littéraire haletant à la Dumas, qui nous entraîne dans une quête effrénée, un périple à travers le temps.

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