Entretien du lundi avec Nômane Hamda (Acteur et metteur en scène) : «Je cherche une écriture autre… »

Après «Nage libre» avec Sonia Zargayoun, «KO» avec Jamila Chihi, «Kasr Echouk» avec Moneêm Chouayet, Nômane Hamda revient avec un nouveau spectacle produit par le «Théatre national tunisien» : «Soukoun» une pièce co-écrite avec Lilia Latrech et interprétée par Nômane Hamda et Amira Derwiche.

Vous êtes de retour avec une pièce où vous êtes à la fois auteur, metteur en scène et acteur aux côtés de Amira Derwiche.

Je suis, essentiellement, un acteur mais cela ne m’empêche pas d’avoir une vision et une écriture propres que je mets en scène. Il y a des fois où je veux accompagner les histoires qui naissent en moi jusqu’au bout… Après tout, je suis un citoyen qui éprouve comme beaucoup d’autres cette sensation d’étouffement et j’ai commencé à écrire cette pièce en me posant la question : «Où est mon corps et où est mon âme ?». C’est aussi une question qui s’ouvre sur notre manière de vivre notre réalité… Un attentat par exemple nous choque, au début, et puis, quelques heures après, cela devient une source de railleries…

Quels étaient vos choix d’écriture dans «Soukoun» ?

C’est un dialogue intérieur entre les deux parties d’une seule personne : Dans cette pièce, il y a deux personnages, un homme et une femme, mais qui se confondent dans un seul genre. Le spectacle joue dans une grande partie sur la voix off, mais ici cette voix off est un moteur et n’est pas un simple habillage du récit…  C’est une sorte d’énergie qui circule plutôt qu’une voix… L’écriture est à l’envers dans cette pièce, avec Lilia Latrech nous avons choisi de ne pas raconter une histoire mais d’écrire autrement… C’est une manière pour moi d’apporter une touche au théâtre aujourd’hui… Je cherche une écriture autre.

D’où vient votre passion pour le théâtre ?

Nous étions passionnés d’art dès notre enfance et c’est une histoire de famille… Quand je dis nous, c’est-à-dire moi et mes deux cousins : Tarek Ben Abdallah et Slim Sanheji. Nos mères étaient des sœurs au fait… On vivait ensemble et on a rejoint le Théâtre du triangle à ses débuts où on a rencontré Kamel Touati, Zahira Ben Ammar et Fethi Haddaoui. C’était dans cette ambiance-là que j’ai grandi. Une fois mon bac en poche mon premier choix était évidemment l’institut supérieur d’arts dramatiques. C’était le seul choix qui s’offrait à nous. Et j’avoue que j’étais un peu déçu, puisque j’ai découvert que la fonction de cet institut était d’enseigner la théorie et de former des enseignants et pas forcément des acteurs. Or, ce qui m’intéressait personnellement, c’était plutôt l’acting et l’écriture… C’était un vrai choc pour moi d’autant plus qu’à l’époque ça se passait dans un espace très exigu dans un immeuble à la rue Danton alors que je m’attendais à de grands espaces où les acteurs pouvaient donner libre cours à leurs talents… D’ailleurs, après avoir eu mon diplôme, j’ai enseigné pendant un an puis j’ai démissionné convaincu que l’enseignement n’était pas mon objectif. En 1995 Fadhel Jaibi m’a appelé pour « Ochek El Makha el Mahjour » et là, j’ai eu la chance d’entrer directement dans le monde du théâtre professionnel. C’était très enrichissant pour moi…

Quel est votre regard sur la formation des acteurs aujourd’hui ?

Au-delà de l’Isad il y a d’autres initiatives de formation privées. Mais le problème est que ces formations sont souvent incomplètes et ne font pas dans la découverte des talents… Or, tout le monde veut aujourd’hui devenir acteur mais tout le monde ne peut pas avoir ce talent et c’est pour cela qu’une sélection s’impose… Quelqu’un peut aimer faire du théâtre alors qu’il n’est pas fait pour ça ! La télévision a banalisé le rôle de l’acteur et c’est pour cela que beaucoup de gens croient que c’est une chose facile. Or, le théâtre est la vraie source de cet art. Amira Derwiche par exemple qui joue dans la pièce «Soukoun» est retournée vers le théâtre pour entretenir son talent après des expériences au cinéma et à la télé par exemple. La formation est aussi devenue un business pour certains… Avec le risque d’induire ces gens en erreur en leur donnant des diplômes et en leur faisant croire qu’ils sont de vrais acteurs alors qu’ils n’ont qu’un côté théorique de l’acting.

La télévision, selon vous, a rendu un mauvais service à l’acting ?

Bien entendu, la télévision est un danger pour l’art de l’acting ! La preuve… Les chaînes TV lancent la production de leurs feuilletons ramadanesques très tard et appellent des acteurs en catastrophe, leur donnant un texte à apprendre très vite et à déclamer… Il n’y a pas de direction d’acteurs à la télévision, celle qui les accompagne pendant des mois avant qu’ils ne passent devant la caméra.

Un commentaire

  1. Liberte

    30/12/2019 à 12:36

    La dernière fois qu’on c’est vue tu avais besoins de capitaux pour tourner des films ? Maintenant que tu es fauché tu deviens toi même.

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