Renchérissement, confinement et couvre-feu : Vers de nouvelles habitudes alimentaires

Cela fait presque la deuxième année que nous avons été contraints de vivre «une nouvelle vie».
Une vie d’un autre genre, avec un rythme différent, des habitudes autres, des comportements inédits auxquels nous nous sommes adaptés par la force des choses.

Le confinement, le couvre-feu et les changements horaires qui ont été imposés par les nouvelles conditions sous lesquelles le monde entier a été soumis, ont fait naître de nouvelles habitudes alimentaires.

Les heures de repas ont changé, la teneur et la composition de ces repas, le contenu de ces plats, l’adoption même de nouvelles boissons, ont fait que le Tunisien s’est attaché à ne pas subir, mais à s’accommoder de ces bouleversements.

On va moins au marché, pour éviter les foules, on feuillette plus souvent les catalogues que l’on glisse dans sa boîte aux lettres pour connaître les cours du jour. Cela évite de se déplacer sans objet précis, de faire ses emplettes au plus vite et regagner son foyer avant le couvre-feu.

On parcourt les offres des restaurants et autres traiteurs pour commander ce que des motocyclistes casse-cou nous livreront dans l’heure qui suit.

Ce qui est certain, on cuisine de moins en moins souvent qu’avant le confinement et le couvre-feu. L’accroissement de la clientèle des fast-foods, des restaurants livrant à domicile, l’empressement de la clientèle dans les rayons spécialisés des grandes surfaces le prouvent.

Pas toujours

Ces changements ont-ils des conséquences sur la santé du consommateur ? Nous avons posé la question à un nutritionniste qui opère au sein d’une grande institution universitaire, pour connaître si ces changements d’habitudes ont été positifs ou négatifs.

«Pas toujours. Il faudrait tout d’abord tenir compte d’un élément important qui a dicté des habitudes tout à fait nouvelles. Le renchérissement qui a caractérisé les produits de consommation en général est pour beaucoup dans ces changements. Tout a augmenté et il est devenu difficile de composer un repas complet à un prix raisonnable.

Les salades ont augmenté. Les viandes, qu’elles soient blanches ou rouges, ont atteint des sommets. Les poissons, n’en parlons pas. Que reste-t-il ?

Le consommateur, qu’il soit père de famille ou un couple sans enfants, même un célibataire, éprouve des difficultés pour se nourrir sainement. On se rabat sur les boissons gazeuses et les jus. Si nous ajoutons à cela les contraintes du confinement ou du couvre-feu, bien des foyers considèrent qu’acheter du prêt-à-manger est plus économique».

Et d’ajouter qu’avec les augmentations insupportables et régulières de la facture de la Steg, des consommateurs préfèrent plutôt acheter à manger que cuisiner.

Les mauvais sucres

Notre interlocuteur se lance dans une longue tirade pour nous expliquer que ce fléau est destructeur pour la santé.

«C’est au niveau du choix de ce qu’on mange et de ce qu’on boit que le problème se pose. On a tendance à boire du sucré, à manger du très sucré, du très gras et du très salé. Le sel cache tout, même les moisissures et c’est pour cela qu’on a tendance à trop saler ce qu’on offre à la vente dans certains restaurants ou fast-foods».

Les jus sont pour leur majorité écrasante pleins de sucre, donc nocifs. Les enfants sont, d’ailleurs, les premières victimes de ces boissons multicolores à des prix exorbitants qu’on leur offre. Ils contiennent ce qu’on appelle vulgairement les «mauvais» sucres. Des boissons que l’on doit absolument limiter dans nos menus pour préserver sa santé. Il est devenu de notoriété publique qu’une consommation excessive de sucres et de gras entraîne des maladies.

De l’effet des publicités

«Notre corps a bien besoin de sucre, mais un éclair de chocolat ou un jus de fruit industriel n’en fournit pas. Ce sont de mauvais glucides. Les sucres contenus dans les sodas et les fruits sont aussi nocifs qu’adductifs. Les glucides complexes contenus dans les pommes de terre, les pâtes, les céréales, etc. sont, eux, indispensables pour nous fournir de bons glucides que le corps absorbe sans risques. Et encore il ne faut pas en consommer sans un minimum de prudence».

A propos des publicités qui inondent les chaînes de télévision, notre interlocuteur est catégorique : «On peut difficilement éliminer le sucre car nous éprouvons du  plaisir à en consommer, mais on peut toujours observer un minimum de discipline pour nous astreindre à des quantités réduites, tout en choisissant ce qui nous convient le mieux, tout en optant également pour le bon moment. On a besoin de sucre après un effort, une longue marche, un entraînement, mais pas pour écourter une soirée, à la fin d’un repas copieux ou avant d’aller au lit».

C’est la mode

La livraison des repas à domicile, c’est le bonheur de ces motocyclistes que ce couvre-feu a mis au-devant de la scène. Ils se faufilent partout avec une audace de tous les diables. Ils n’ont peur de rien. Téméraires, à la limite de la folie furieuse, ils foncent vers leurs clients pour livrer, retourner à la base départ et repartir de plus belle.

«Je livre entre vingt et trente repas à domicile par soirée. Parfois un peu plus, lorsque les courses ne sont pas très longues. Il y a bien entendu des risques, mais c’est la vie. Il faut bien que je mange du pain et que j’en amène à ma famille».

Les repas livrés à domicile sont devenus, en effet, une mode. C’est un moyen de gagner du temps, cela évite de faire des courses ou de s’adonner à la corvée du ménage.

Un traiteur, implanté du côté d’El Menzah, nous avoue qu’il a considérablement arrondi son chiffre d’affaires. «Les clients optent pour des plats très simples. En dépit de notre assurance, ils évitent ce qui pourrait se gâter en route, car ils craignent que la chaîne du froid ou de la conservation ne soit pas toujours respectée. Nous prenons quand même nos précautions. Les crudités, les pizzas variées, les spaghettis, les escalopes panées sont les vedettes de ce marché qui s’est ouvert à l’occasion du confinement et du couvre-feu».

Bien entendu, pour les solitaires, c’est le seul moyen de se tirer d’affaire. «Il ne faut jamais se compliquer la vie», répond à notre question un jeune homme qui porte une pizza et une bouteille de soda dans les mains.

Les conserves et les produits transformés

Au niveau des grandes surfaces, les biscuits, sodas, jus de fruits, pâte à tartiner, plats préparés, gâteaux tiennent la vedette. «Les gens ont tendance à vouloir grignoter et tromper leurs heures de claustration en buvant des sodas et des jus. Nous vendons aussi beaucoup plus de gâteaux, étant donné que nos prix sont nettement plus avantageux que ceux que l’on pratique au niveau des pâtisseries».

Les fruits sont, ces dernières semaines, en hausse en dépit des quantités respectables d’agrumes mises sur le marché. On a quand même tendance à en vendre plus que d’habitude.

«Parfaitement d’accord pour ce qui concerne les fruits frais, laisse tomber notre nutritionniste. Les fruits apportent des vitamines et des fibres essentielles à l’organisme. Quant aux sucres industriels, ils sont vecteurs de nombreuses maladies, comme l’obésité, le diabète et les pathologies cardiovasculaires».

Ne pas se laisser aller

Notre nutritionniste de service nous conseille «de ne pas se laisser aller. Si on n’a pas de temps pour cuisiner, il faudrait avoir le temps de s’approvisionner en fruits et légumes au moins deux fois pas semaine pour cuisiner avec des produits frais. A défaut, se rabattre sur les produits surgelés, qui sont relativement chers, mais qui sont beaucoup plus sains pour la santé.

On a tendance à privilégier le sucré, mais une soupe chaude, une boisson chaude, réconforte et ne crée pas de dépendance.

Il ne faut pas oublier que quand on dort mal ou pas assez, le corps a besoin d’aliments sucrés ou gras. D’où la tendance de se laisser tenter par un hamburger ou une barre de chocolat».

Voilà, le tour est joué en ce qui concerne les nouveaux modes alimentaires. Pour ce qui est du sport et de la culture, c’est le vide. La télévision, avec ses niaiseries en guise d’animation, ne comble en rien ce manque et c’est ce qui désole plus d’un.

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