Il y a un an disparaissait Bady Ben Naceur, rédacteur en chef et critique d’art à La Presse: L’éternel rêveur du beau

Il n’a vécu qu’avec le beau et pour le beau. Son sens inné de l’esthétique verbale, sa finesse fondent le secret latent de la personnalité de cet homme dont la volonté est constamment tendue vers l’action et la création.


Il y a un an disparaissait l’homme du « Rêvoir »*, Bady Ben Naceur, journaliste, critique d’art et ancien rédacteur en chef à La Presse de Tunisie.  C’est avec un cœur meurtri, empreint d’une émotion que ses amis, ses collègues et les membres de sa famille avaient porté sa dépouille, un certain 28 janvier 2020, jusqu’à sa dernière demeure.  Avec lui un pan entier de l’histoire de La Presse et de la critique culturelle en Tunisie est parti.

Ses derniers propos sur son lit d’hôpital étaient : «Je suis incompris dans ce pays. Plusieurs artistes pensaient à tort que j’avais cassé leurs carrières, or je ne faisais que mon métier de critique. J’ai dû fermer mon téléphone pour ne pas les voir déverser leur haine quand ils ont appris que j’étais hospitalisé» et de continuer «j’ai mal pour mon pays, je ne suis plus dans mon élément ici. Quand j’ai combattu les barbus avec mon glaive, qui est ma plume, ils ont dit que j’étais un athée, alors que je suis tout simplement laïque. Vous savez je n’ai pas peur de la mort, cela fait des années que j’avais un pied dans la tombe (il avait était amputé du pied)…mais j’ai peur pour mon pays».

Ainsi parlait Bady. Agitateur culturel, sa vie a été une grande fresque aux couleurs de l’amour à sa patrie, au journalisme et à la culture. Journaliste aux casquettes multiples,  artiste multidimensionnel, intellectuel hors pair, il consacra sa vie  aux arts plastiques qui resteront pour lui la forme la plus attachante des arts. Auteur de plusieurs livres sur les beaux-arts, il a aussi produit plusieurs catalogues d’exposition pour présenter les œuvres des grands artistes dont notamment une grande partie des peintres de l’Ecole de Tunis.

Il avait intégré La Presse au moment de sa tunisification et a côtoyé les quelques vétérans, qui ont eu le courage de rester en poste ; Moïse Madar, Flavio Ventura, Martin, journalistes français de nationalité, mais tunisiens de cœur et d’esprit, qui allaient initier à la profession les jeunes tunisiens nouvellement recrutés comme Bady, Midouni, Fadhel, Labassi, Maouia, Mahfoudh, Grioui, B. Mrad, Seddik et d’autres encore.

Mais l’originalité de Bady que nous pleurerons toujours, c’est la rareté du spécimen. Il est l’équivalent d’un nombre illimité d’hommes. C’est un éternel rêveur du beau. Il n’a vécu qu’avec le beau et pour le beau. Son sens inné de l’esthétique verbale, sa finesse fondent le secret latent de la personnalité de cet homme dont la volonté est constamment tendue vers l’action et la création. A chaque rencontre avec lui vous aurez l’impression d’avoir affaire à un homme différent, à un homme nouveau et qui est toujours plus beau, plus fin. C’était notre artiste au journal. Après lui, La Presse ne sera plus La Presse. Trop de disparitions, trop de chagrin pour une famille qui se réduit à vue d’œil.

La vie ne dure qu’un instant, l’amour pour les défunts est éternel. Adieu Bady. Ton nom restera gravé à jamais dans nos cœurs !

* Il avait fondé une galerie d’art appelée « Le Rêvoir »

Un commentaire

  1. Alfonso

    29/01/2021 à 12:31

    Merci cher confrère pour ce beau témoignage. BBN fut mon mentor et un grand ami. J’ai bcp appris de lui. Il faudrait penser de créer un prix littéraire francophone dédié à Bady et qui porterait son nom et son prénom.

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