Trois questions à M. Hassine DIMASSI, enseignant et chercheur en sciences économiques, doyen et ex-ministre des finances: «La hausse des prix à la consommation a oscillé entre 5 et 7%… »

L’inflation est due à plusieurs facteurs dont les lobbys et la spéculation. La flambée des prix a mis à rude épreuve le pouvoir d’achat des citoyens. Plus d’explications avec M. Hassine Dimassi, enseignant et chercheur en sciences économiques, doyen et ex-ministre des Finances. Interview.

La dernière augmentation des prix du sucre, de l’acier et du fer, du ciment, du marbre et du tabac a suscité l’inquiétude des citoyens. Comment peut-on maîtriser la situation  ?

Depuis la « Révolte » de 2011 et jusqu’à présent, la hausse des prix à la consommation a oscillé entre 5 et 7%, ce qui a déjà érodé sensiblement le pouvoir d’achat de la majorité des couches sociales tunisiennes.

Dans les années à venir, ce rythme d’inflation est appelé à s’amplifier outre mesure, et ce, suite à plusieurs facteurs combinés, dont notamment les lobbys de spéculation. Ces augmentations de prix ont concerné plusieurs produits, tels les fruits, les légumes, les viandes et les poissons. D’un autre côté, le recours de l’Etat à la « planche à billets », afin de faire face aux déficits croissants de son budget, contribue aussi sensiblement à l’aggravation du phénomène inflationniste. L’injection d’énormes masses de liquidités, dans une économie à croissance quasi-nulle ou négative, ne génère qu’une flambée des prix de tous les produits et services.Le dysfonctionnement de la majorité des entreprises publiques alimente aussi la hausse des prix. Faute de réformes d’assainissement et de restructuration, ces entreprises publiques croient trouver l’unique sortie de leur crise dans la révision à la hausse des biens et services qu’elles produisent, tels les cigarettes, les boissons alcoolisées, les carburants, l’eau, l’électricité, les matériaux de construction, les services de transport public, … Enfin, la dépréciation du dinar par rapport aux principales monnaies étrangères de transaction (surtout euro et dollar) ne fait que renchérir outre mesure les importations et, par là, les prix à la consommation.

Comment se fait-il que l’inflation connaît une évolution alors que  les salaires sont gelés depuis 2019 et avec les recrutements sont bloqués ?

Dans un pays qui piétine depuis de longues années dans un profond marasme économique, l’augmentation des salaires ne fait qu’aggraver le phénomène inflationniste et dégrader ainsi sensiblement le pouvoir d’achat d’une bonne partie des citoyens, et plus particulièrement des salariés. La réalisation de réelles performances économiques ne peut se faire que par l’amélioration de la production et de la productivité, et non pas par la révision seulement des salaires.

Que préconisez-vous en tant que solution économique pour remédier à la situation ?

L’unique solution, qui permet d’éviter de s’enliser encore plus dans le marasme socioéconomique que connaît depuis longtemps notre pays, réside dans la réalisation de performances en matière de croissance et de productivité économiques.

L’une des principales conditions permettant de réaliser ces performances consiste à asseoir les négociations salariales non plus sur le taux d’inflation, mais sur les gains de productivité.

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