Contrepoint Article 80: du retard, pourquoi ?

Deux bonnes semaines depuis les manifs du 25 juillet et l’entrée en vigueur de l’article 80 de la Constitution et rien ne transparaît encore des mesures exceptionnelles annoncées par le Président Kaïs Saïed. Quelques «mesurettes» sinon. Comparées au promis, le soir du soulèvement, du menu fretin. Petites poursuites  vite « révisées » contre des députés El Karama,de simples affaires de chèques ,de petites escroqueries.Les gros dossiers de corruption réclamés à tue-tête par les manifestants, par le Président lui-même  : à ce jour nenni. De même que les enquêtes sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et sur les attentats terroristes et les départs en Syrie. Pas grand-chose non plus,à cette heure,au  sujet  du  gouvernement  et de sa feuille  de route. En fait, de l’essentiel :de la gouvernance  que  l’on compte proposer au  pays. Serait-ce, seulement, «  un temps de réforme »,puis  un  retour  aux  mêmes institutions  ? Serait-ce un  complet changement, avec dissolution ,référendum  ,et/ou nouvelles  élections?

Curieux ,le 25 juillet, juste  la veille,la foule  n’appelait qu’à cela. À tout cela  à la fois. Là,subitement , presque  plus  un  mot. Le mieux  est de comprendre exactement pourquoi .

Difficile,d’abord,de croire à un recul  de Kaïs Saïed.Le Président avait son projet en tête et se savait soutenu par plus de 80% de Tunisiens. Avec un  rapport de forces aussi  favorable on ne rebrousse pas chemin. On va systématiquement  de l’avant. Nos juristes,   qui   invoquent  la « sacralité de la Constitution  »  et dénoncent  «le coup d’État », savent,de leur  côté, que  le droit ,dans son fondement, privilégie la sacralité des peuples .Dans le contexte tunisien  actuel,  une  majorité de Tunisiens  et leur  président élu  s’entendent sur  la réforme du pays.Qui  peut s’y opposer désormais? Un pouvoir  minoritaire ? Une Constitution dépassée ?Un parlement  pris en otage ,manipulé ?

La thèse de la pression géopolitique compte, en revanche. Mais pas au point de tout bloquer, ou tout influencer .

Vrai, au lendemain du 25 juillet, Ennahdha a appelé au secours l’Europe et l’Amérique prétextant  de l’installation d’une dictature.  Vrai,aussi,que le recours  à l’article 80 et aux mesures d’exception par Kaïs Saïed pouvait  surprendre ou choquer les démocraties occidentales.

Vrai,surtout,que la Tunisie passe par une crise économique sans précédent et que mécontenter ses principaux soutiens ,dont en premier les États-Unis,risque de lui nuire. Les retards dans la formation d’un gouvernement , dans la présentation d’une feuille de route, y sont imputables. En partie. Reste,néanmoins, que l’aide sanitaire a redoublé  en notre direction ,et  que notre endettement trouve de plus en plus « appui ».L’accusation de «dictature » disparaît surtout des commentaires officiels. Au point que les ralliements se succèdent sur le plan interne, jusqu’à toucher Ennahdha même à présent.

D’où vient alors le brusque mutisme de ces deux dernières semaines ? D’où viennent les retards, les hésitations,  les difficultés à prendre une décision ?

La cause, à notre avis , de ces ralliements  eux-mêmes. Le fait que les partis politiques, y compris Ghannouchi et Ennahdha, approuvent aujourd’hui les idées de réforme, aiguise, au contraire, la méfiance de Kaïs Saïed et de ses millions de partisans. Qui doivent y veiller. Y faire le tri, y faire attention. Eux veulent une  république démocratique sans le pouvoir des partis. Ennahdha, sa ceinture, et tous les autres « gelés » et « non immunisés » adoptent, eux, profil bas, tendent provisoirement la main, espérant retrouver un jour leur si cher, si commode et si protecteur parlement.

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