Coexistence entre les religions: La Tunisie, un modèle de référence

La Tunisie a été et restera toujours une terre de paix et de cohabitation. Pour beaucoup d’observateurs avertis, c’est un exemple dans le monde entier de symbiose entre les différentes religions, un constat, qu’on ne peut trouver presque nulle part ailleurs. Dans d’autres pays, on sombre dans les conflits et les guerres sur fond religieux.


En Tunisie, et non seulement à Djerba, une longue histoire de cohabitation entre les religions est unique dans la région. Alors que d’autres pays ont basculé dans la violence, le chaos et même les guerres, la Tunisie accueille au fil des décennies toutes les religions.

Mais, malheureusement, ce rituel religieux est marqué par une grande polémique concernant les tentatives de normalisation avec l’entité sioniste, ce qui est à l’origine de certaines tensions d’ordre politique. Alors que certains partis, dont notamment Ennahdha, ont pointé du doigt une tendance vers une normalisation des relations avec les forces de l’occupation israélienne. Des positions marquées par une récupération politique, comme estimé par l’organisateur des voyages vers la Ghriba et ancien ministre du Tourisme, René Trablesi. « Malheureusement, c’est une erreur de traiter les pèlerins de sionistes et d’Israéliens. Il y a même un journaliste sur une radio tunisienne privée qui a traité les pèlerins d’agents de l’armée israélienne, c’est grave ! Concentrons-nous sur le côté positif, car il y a une récupération politique de cet évènement religieux. Le plus important, c’est que la Tunisie renaisse de nouveau et que les gens travaillent et s’épanouissent », expliquait-il dans un entretien à La Presse.

Nul ne doute que dans ce pèlerinage, religion et politique interférent. Comme cela est le cas pour le pèlerinage de la Mecque, qui est aussi lié, chaque saison, à des tensions politiques et même diplomatiques. La question est donc évidente, mais pour le cas singulier de la Tunisie, le plus important c’est de miser sur cet évènement religieux pour redorer l’image du pays hautement impactée par une décennie de mauvaise gestion des affaires de l’Etat.

En effet, tous s’accordent sur le fait que ce rituel pourrait se transformer en une image de marque et un message de paix pour la Tunisie, et par conséquent promouvoir davantage la destination dans un contexte régional très tendu.

Ennahdha s’ingère

C’est dans ce contexte que le parti Ennahdha s’est ingéré dans cette question. Habitué de l’exploitation de la religion à des fins politiques, selon ses détracteurs, le parti de Rached Ghannouchi a émis un communiqué pour dénoncer les tentatives de normalisation avec l’entité sioniste. A l’issue de la réunion périodique du bureau exécutif du mouvement, le parti a condamné le pouvoir en place, qualifié de “putschiste”, de tenter de normaliser avec l’Etat sioniste, sous le prétexte de la célébration du pèlerinage juif d’Al Ghriba.

Le mouvement Ennahdha a condamné, via un communiqué rendu public sur la page du président du mouvement islamiste Rached Ghannouchi, « l’insistance de l’autorité putschiste à continuer de cibler la Révolution et ses acquis définis par une voie participative, à dissoudre davantage les institutions constitutionnelles et à prêcher une régime autoritaire basé sur l’opinion unilatérale, fermant la porte à un dialogue sérieux et responsable avec les différentes parties ».

Le mouvement a, en outre, salué la coexistence entre les religions et le respect des rites religieux, refusant d’exploiter la saison d’El Ghriba pour manifester des formes de normalisation.

Mais alors qu’il contrôlait carrément le Parlement grâce à sa majorité parlementaire, le parti islamiste n’a en aucun moment veillé à ce qu’une loi sur la criminalisation de la normalisation avec Israël soit adoptée. D’ailleurs, Ennahdha avait rejeté en 2013 lors de l’élaboration de la Constitution de 2014 une initiative portant incrimination de la normalisation avec l’entité sioniste, pour des raisons inconnues.

Le parti du Courant populaire est du même avis. Pour lui, « la visite de la Ghriba s’est transformée en une occasion annuelle pour approfondir la normalisation avec l’entité sioniste et pour l’entrée dans notre pays des éléments les plus dangereux du sionisme ».

Le parti exprime, dans un communiqué, son « attachement à la loi sur la criminalisation de la normalisation avec l’entité sioniste, pour mettre un terme à ce crime, d’une part, et pour protéger la sûreté nationale de notre pays, qui se heurte à la démolition sur les plans sécuritaire, économique, politique et culturel ».

Une histoire de coexistence

Sauf que loin de cette polémique sur fond politique, la Tunisie a toujours été l’exemple en matière de cohabitation et coexistence entre les religions. Pour concrétiser ces acquis, en janvier dernier, une charte nationale pour la coexistence a été signée sous la supervision de l’organisation « Attalaki », et en présence de représentants des différentes religions et sectes du pays.

Cette charte vise à créer une vision unifiée pour les différents groupes religieux face aux discours de violence, de haine et d’extrémisme religieux et idéologique. Elle vise également à construire un modèle sociétal ouvert qui accepte toutes les religions et sectes, rejette la violence et l’extrémisme, et permet à tous les individus de pratiquer librement leurs croyances dans le cadre d’une Tunisie démocratique.

Une initiative qui renforce une longue tradition en matière de liberté religieuse et de coexistence pacifique, et ce, depuis la promulgation, en 1857, du Pacte fondamental (Ahd El Amen) qui garantit la sécurité des personnes et des biens, institue l’égalité devant la loi et l’impôt et la liberté du commerce.

« Ce n’est qu’après la Révolution de 2011 et avec la remise en cause de la Constitution que des fractions qui voulaient une théocratie que la Tunisie a été, d’une manière ou d’une autre, déstabilisée et que les libertés individuelles ont été menacées », estiment, dans ce sens, certains défenseurs des libertés.

Laisser un commentaire