Rentrée scolaire, Mouled, pouvoir d’achat en baisse: Ce n’est pas la joie, mais…

Après la rentrée scolaire, c’est le Mouled qui prend le relais. Habituellement, c’est-à-dire il y a quelques années, une dizaine au moins, l’ambiance était vraiment à la fête. Les grandes surfaces étaient pleines à craquer, les commerces spécialisés, librairies et revendeurs de fruits secs et autres babioles ne désemplissaient pas.

Nous avons eu l’occasion de parcourir le centre-ville et la proche banlieue. L’ambiance est morose. Le pouvoir d’achat qui a nettement baissé, les marchandises offertes à des prix dépassant tout entendement semblent avoir bloqué bien des élans.

A vrai dire, on a l’impression que chacun en fait à sa tête. Dès qu’on entend que l’essence a augmenté, on saute sur l’occasion pour pomper quelques centaines de millimes en plus. Un ‘’grossiste’’ de bonbonnes d’eau de dix-neuf litres, dont le goût laisse à désirer d’ailleurs, a tout simplement augmenté le prix de un dinar. Et c’est à prendre ou à laisser.

Le pâtissier, jouxtant le marché, a répercuté l’augmentation de l’électricité et du gaz. Un morceau de gâteau, un croissant, une petite gâterie, que beaucoup de personnes ne peuvent plus se permettre, sont devenus un luxe.

Des abus intolérables

Tout en reconnaissant qu’on ne peut mettre un contrôleur devant chaque commerce, il y a des abus qui sont intolérables. L’absence de réaction des fournisseurs est étonnante. C’est le « chacun pour soi et Dieu pour tous » qui accroît ce malaise.

On a beau faire confiance à la réflexion que manifeste un vieux monsieur qui, en toute philosophie, a payé sa bonbonne d’eau en lançant au revendeur ‘’tout finira par s’arranger dans quelques mois!’’

Ce n’est pas la faute de ces petits commerces qui subissent eux aussi des contraintes et essaient de s’en sortir en consentant des remises ou à…faire crédit pour ceux qu’ils connaissent.

«J’ai une clientèle fidèle qui s’approvisionne chez moi depuis des années, nous a précisé un libraire. J’ai compris que certains d’entre eux étaient complètement dépassés par les événements. Ils hésitaient à me demander de leur consentir une facilité avec des chèques de garantie. C’est illégal et ensuite avec les milliers de chèques impayés qui étouffent les palais de justice, cela n’arrange pas les choses. J’ai quand même consenti à leur faciliter les choses en leur faisant… confiance. Je les connais depuis des années et je pense qu’ils ne me feront pas faux bond. Du moins je l’espère.

La situation n’est pas très bonne. Nous avons reçu la visite des services de contrôle. Dès qu’ils ont vu que ma clientèle ressortait avec un ticket de caisse en bonne et due forme, ils n’ont pas insisté. Ils m’ont même promis de me faire livrer un peu plus de cahiers compensés pour soulager davantage les familles. Des promesses…

Ce n’est pas fini

Il me semble que les enseignants ont compris le message et les listes sont plus clémentes. Mais cela n’empêche pas certains chefs de famille de me demander d’enlever une bonne partie des fournitures pour pouvoir payer. Cela revient à dire que la rentrée a été réellement difficile pour une bonne partie de la clientèle».

Les yeux exorbités, un père de famille, qui vient de régler une facture de plus de cent cinquante dinars, avoue : «Ce n’est pas fini, puisqu’il y a des professeurs absents, je serai obligé de revenir».

A quelques pas, se trouvent des commerces de proximité qui vendent du «zgougou» et des fruits secs. Là aussi cela ne va pas très fort : à une certaine époque, les gens en attente se bousculaient à l’extérieur du magasin  et nous étions dans l’obligation de fermer plus tard que d’habitude pour satisfaire cette clientèle, nous confie le commerçant.

Tout a augmenté et les quantités vendues sont loin de celles que nous écoulions. Nous vendons par cinquante grammes. D’ailleurs heureusement qu’il y a maintenant des balances qui pèsent au gramme près.

Pas de foule

Les gens optent de plus en plus pour les préparations toutes faites. Cela leur prend plus de temps et leur permet de passer cette ‘’fête’’ sans beaucoup dépenser. Au coin de la rue, se trouve une grande surface. Là aussi, il n’y a pas foule.

Le responsable des lieux est catégorique: « Les gens viennent de très bonne heure pour voir si nous avons sorti du sucre et du lait. Nous avons vendu de bonnes quantités et la clientèle semble s’être résignée au ‘’quota’’ octroyé par client. Je remarque de temps à autre quelques-uns qui se font accompagner par leurs enfants pour avoir le double de ce qui est autorisé. D’autres déposent leurs achats dans leur voiture et reviennent. Lorsque la marchandise est disponible, je préfère éviter les scandales. Mais cela nous donne une idée de l’esprit qui anime certains clients le ‘’après moi le déluge’’ et c’est ce qui, en fait, précipite les effets de la pénurie. On nous a assuré que le problème du sucre est définitivement résolu. Nous l’espérons.

En ce qui concerne les fournitures scolaires, nous n’avons pas fait les mêmes chiffres d’affaires que les années précédentes. Les gens sont près de leurs sous et ne peuvent pas se permettre certains achats».

Absence de contrôle ?

Au Marché central de Tunis, les rayons fruits et légumes sont presque au chômage en ce mardi. La qualité de la marchandise est acceptable, mais c’est une ‘’question de pouvoir d’achat’’, lâche un des marchands de fruits. La qualité de certains fruits, tels que les pêches, laisse à désirer. « On dirait que c’est du plastique. Les frigos ont fait leur effet et comme le roulement de cette marchandise se fait en fonction de l’offre et de la demande et non pas en respect des fruits de saison, la qualité s’en ressent».

«Ajoutons à cela, complète un voisin de ce fruitier, les frigos ne sont pas tenus par des spécialistes. La température, la période, le roulement de la marchandise sont importants pour garder une bonne texture et une qualité irréprochable».

Là, nous relevons que des dattes ‘’normales’’ sont exposées sous l’étiquette de ‘’deglet Nour’’. A croire que l’on peut faire ce qu’on veut et que personne ne veille sur les lieux. Le même raisonnement est valable pour l’espace ‘’poisson’’. De gros rougets sont vendus à dix-neuf dinars. Cela tranche avec d’autres qui sont proposés au double. C’est bien sûr des rougets congelés. Personne ne vous le dira.

Nous avons cherché à contacter pour l’occasion un vétérinaire ou un responsable. Personne n’a pu éclairer notre lanterne et cela revient à dire qu’en l’absence du chat les souris dansent.

Quant aux prix, ils sont franchement inabordables et aucun empressement n’est visible. Les gens flânent, regardent et sortent par une des nombreuses portes pour chercher autre chose à se mettre sous la dent.

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