Agriculture biologique | Journée de réflexion sur le développement du marché local : Consommer intelligent

 

Sous le slogan “Innover tous ensemble pour développer le marché local bio”, les producteurs appellent les consommateurs         locaux à accompagner l’essor de cette filière pleine de bienfaits et de vertus. Aussi à consommer de façon plus responsable.

La Tunisie est le 1er pays en Afrique et le 24e au monde en termes de surface agricole biologique. Une information capitale qui donne la pleine mesure du potentiel de la Tunisie, sa position et ses capacités de développement de la filière bio. Une brochure sur la consommation durable en Tunisie intitulée : «A quand un changement de nos habitudes d’achat ?» offre une grande part aux actions et aux réflexions de Yosra Chaibi sur l’univers bio en Tunisie.

A l’occasion d’une journée d’échange et de réflexion sur le marché local de l’agriculture biologique, organisée le jeudi 9 février 2023 à la ferme thérapeutique Gaia de Sidi Thabet par l’Union nationale des opérateurs de la filière BIO UnoBio, Yosra Chaibi, membre fondateur d’UnoBio, association de professionnels qui réunit les acteurs de la filière dans la distribution et la transformation des produits bios, a présenté l’étendue de son intervention. Ceci avant de rappeler les enjeux et les problématiques autour du bio.

Elle résume ses attentes : «On a réuni toutes les parties prenantes pour savoir comment développer le marché local. Parce que quand on parle de l’agriculture biologique, c’est souvent au sujet des produits destinés à l’exportation car la majorité des produits des terres agricoles biologiques, réservées à la culture des olives et des dattes, sont par la suite majoritairement exportés. Le marché local se développe depuis 10 ans et il faut voir quels sont les obstacles et quelles sont les solutions à apporter et les recommandations pour dynamiser ce secteur». La première présentation de Yosra Chaibi a porté sur le marché local du biologique sous l’exposé : «État des lieux de la filière bio». L’expansion du bio s’articule autour d’une plus grande consommation de la population encore réticente ou mal informée dans sa globalité.

Propager l’esprit de consommation bio

L’amélioration de la culture et de la consommation des produits agricoles biologiques est la clé de voûte du développement du marché local bio. Ce à quoi Yosra Chaibi répond : «Quand on parle bio, on évoque à la fois les aspects de l’environnement naturel des sols et la santé des consommateurs. La conscience du consommateur à consommer responsable n’est pas assez développée car le consommateur regarde avant tout le prix de ce qu’il achète et omet de penser à l’impact social, environnemental et sanitaire. Il y a un travail de sensibilisation et d’éducation qui doit commencer dès le plus jeune âge».

La thématique centrale s’est articulée sur le développement du marché local du bio afin de booster et stimuler ce marché   en Tunisie. En outre, il y a 3 ateliers dont le premier a traité de la problématique de l’accès au marché des produits biologiques de l’approvisionnement à la commercialisation. Ensuite comment faire parvenir le produit bio de l’agriculteur au consommateur. Le deuxième atelier concerne la diversification des produits. Enfin le 3e et dernier atelier est consacré au consommateur et comment il perçoit le label bio ? Pour qu’il achète le produit bio au lieu du produit conventionnel.

Même si le contexte économique n’est pas favorable à une baisse des prix des produits bios dans l’immédiat, il faut anticiper et établir une stratégie qui améliore le rendement de l’agriculteur avec des intrants moins chers dans une conjoncture économique plus favorable et une dynamisation tous azimuts du bio en Tunisie. Du point de vue de Yosra Chaibi, on retient qu’il y a une pression à faire auprès des producteurs bios pour faire baisser les prix, afin qu’ils soient équitables et justes.

Pour rappel, cette initiative a été entreprise en partenariat avec l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS) – Programme ADAPT, financée par l’Union européenne et avec le soutien du Club ATUGE Durable de l’Association des Tunisiens des grandes écoles et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Cette rencontre traduit la volonté des parties prenantes, face aux défis climatiques et sanitaires actuels, de mettre en œuvre des actions visant à soutenir l’agriculture biologique et les pratiques agricoles soucieuses de la santé humaine et du respect de l’équilibre naturel, à améliorer les systèmes de production avec une prise de conscience écologique et à promouvoir une consommation alimentaire plus responsable.

En effet, les modèles de production actuels avec des pratiques culturales intensives ont permis de nourrir une population mondiale en forte croissance durant les dernières décennies. Mais souvent, au détriment des ressources naturelles. Ces limites ont montré l’urgence d’une transition vers des systèmes agro-écologiques plus résilients. En dehors de nos frontières, le consommateur s’oriente de plus en plus vers une consommation responsable. Ainsi, les produits issus de l’agriculture biologique sont de plus en plus demandés.

Expansion de la filière bio

Entre 2000 et 2018, à l’échelle mondiale, le nombre de fermes bio a été multiplié par 11,2 et la surface cultivée en bio par 4,6. En 2019, la valeur du marché du bio dépasse les 110 milliards de dollars. Dans ce paysage international, la Tunisie se positionne en tant que premier exportateur mondial d’huile d’olive bio. Elle est aussi le premier pays en Afrique en termes de superficies dédiées à l’agriculture biologique avec 325.817 ha.

Sur le marché tunisien, les produits «bios» sont également en plein essor: la distribution des produits issus de l’agriculture biologique a, certes, été discrète mais croissante. Les professionnels du secteur considèrent, toutefois, que ce marché croît à un rythme lent et que la consommation reste faible, en deçà du potentiel existant, notamment en raison du prix élevé et de la faible disponibilité de ces produits. De même, le manque de sensibilisation du consommateur tunisien à l’impact négatif des pesticides sur sa santé et sur l’environnement impacte également l’évolution de la demande. Comment rassurer alors le consommateur ?

Le devoir de consommer bio

Aujourd’hui, il est quasiment un devoir de consommer bio en Tunisie pour ses bienfaits sur la santé. «Les produits bios sont sains pour la santé, malgré la cherté des prix. C’est parce qu’il y en a peu en quantité sur le marché, qu’ils deviennent très cher», se défend une commerçante de bio, issue de Ben Arous. Son gouvernorat se compose de 94 ha de terres et surfaces dédiés au bio.

Depuis 2016, avec l’obtention d’une certification bio pour commercialiser les produits du label, elle rappelle la position de la Tunisie à la fois largement productrice, dont une grande part est dédiée à l’exportation et distributrice sur le marché local. Une intervenante défend l’intérêt des produits bios qui sont sains et bénéfiques pour les enfants face aux allergies et améliorent leur immunité. Elle préconise leur consommation, malgré leur cherté, pour éviter les frais des soins médicaux

Le panel sur le développement du marché local du bio a été assuré par Haythem Ben Thabet, président de TuniBio. Sonia Souid a évoqué le succès du marché en ligne depuis 2014 qui a permis de donner une belle vitrine aux produits bios et contrecarrer les obstacles, avec une clientèle entre Tunisiens et expatriés. La grande distribution a intérêt à voir se développer la filière du bio pour accroître ses capacités de vente. Mais bien des défis restent à accomplir en vue de contourner les obstacles et difficultés dus notamment à l’exploitation et la préservation des sols.

Obstacles à l’essor du bio

Les obstacles sont nombreux afin de préserver les sols de leur surexploitation par des techniques innovantes, lutter face aux risques pour l’agriculture du changement climatique. En outre, les établissements partenaires dans le bio ont signalé l’existence d’obstacles de production et de commercialisation où le coût de la vérification est très cher.

Pour l’agriculteur, beaucoup d’obstacles avec l’absence de points de vente bio, car des intrus exposent des produits qui n’ont aucun rapport avec le bio et ne subissent pas de contrôle. Certifier, inciter et encourager les hôpitaux et cliniques à se fournir en produits alimentaires bios pour les malades font partie des idées véhiculées durant les interventions riches et variées. Il y a un réel danger pour les agriculteurs, lié aux problèmes de non-responsabilité des revendeurs.

Le soutien aux agriculteurs pour investir et revenir à l’agriculture conventionnelle démontre qu’il y a des choses à revoir et à changer. La cherté des intrants pour l’agriculteur limite leurs possibilités d’exploitation. «Une vingtaine d’agriculteurs sont revenus vers l’agriculture traditionnelle sur laquelle on dépense moins. Il y a un retour aux anciens principes», affirme un agriculteur.

L’objectif de cette rencontre a été de réunir tous les acteurs de l’écosystème de la filière bio afin de proposer des solutions innovantes pour développer le marché local des produits biologiques. Des groupes de travail, d’échange et de réflexion ont ainsi été organisés dans le cadre de cette rencontre pour faire évoluer les mentalités de consommation et faire avancer la filière bio dans le bon sens. Une pause dégustation de produits biologiques a permis de rappeler à tous l’intérêt de consommer bio avec une qualité gustative et beaucoup de fraîcheur dans les aliments totalement au rendez-vous. Mais alors à quand un restaurant labellisé et certifié bio en Tunisie ?

Laisser un commentaire