Festival International de Carthage | «La nuit du rire»:  Comedy club façon Carthage

On a été convaincu par le style et le rythme de AZ, et visiblement le public aussi car les rires étaient au rendez-vous. Il nous a parlé des entretiens d’embauche, a tourné en dérision la forme et le ton de narration employé dans des reportages de télé française et a souligné avec beaucoup d’ironie l’islamophobie régnante dans certains de ces produits télévisuels.

Ils étaient six humoristes à défiler, le 16 juillet, sur la scène du Théâtre antique de Carthage pour un spectacle nommé «La Nuit Du Rire À Carthage» : Booder, AZ, Tareek, Laurie Peret, Saïdou Abatcha tout droit venus de France et Nidhal Saâdi tout juste marié et «arraché» à sa lune de miel, il en fera d’ailleurs le sujet de son sketch.

Le public avait intérêt à être francophone pour saisir les blagues de cette bande de stand-uppers, connus en Afrique francophone principalement à travers la télé. Visiblement, ce fut le cas majoritairement, car rires et applaudissements ont retenti quand il le fallait.

Une ambiance détendue et légère a régné sur Carthage, avec son lot de propos bien inspirés et d’autres moins bien trouvés, de quoi atténuer la chaleur infernale de ce dimanche, qui se faisait ressentir même le soir.

C’est le Tunisien Nidhal qui a ouvert le bal, introduit par l’humoriste d’origine marocaine Tareek. Ce dernier, à la manière des comedy clubs, outre son sketch, a eu la tâche d’animer la soirée et de chauffer la salle, accompagné par un DJ.

Musique retentissante à l’entrée de Tareek, qui a exprimé sa joie d’être ici, a évoqué ses origines marocaines et a fait deux blagues sur le public algérien, avant de céder la place à Nidhal sur une musique tunisienne qui rappelle les festivités du mariage.

Accueilli par les youyous du public, costume de circonstances, vu que ça ne faisait que 48 heures qu’il a célébré le sien, le jeune marié, qui se produit pour la troisième fois sur la scène antique, n’est pas allé chercher loin et a bâti son sketch sur les dépenses et les préparations liées au mariage. La mayonnaise a plutôt pris. Il faut dire que c’était assuré d’avance vu qu’il se tenait devant un public déjà conquis, composé de celles et ceux qui connaissent beaucoup plus le Nidhal acteur à travers ses rôles dans des fictions ramadanesques tunisiennes.

Près de 15 minutes après, le temps accordé à chaque humoriste, c’était à AZ de monter sur scène. Né en 1996, ce dernier a fait ses débuts sur la scène du Jamel Comedy Club. Il développe un style à l’américaine et se produit dans tous les Comedy Clubs de Paris. Il se fait connaître sur les réseaux sociaux où il rencontre beaucoup de succès grâce à ses parodies de chanteurs.

En 2019, il signe «Exister», son premier one man show au Théâtre du Marais à Paris. Le jeune homme s’est aussi essayé à la réalisation avec son premier film, une comédie, intitulé «Les Gagnants», sorti en 2022 et où il campe un rôle également.

On a été convaincu par le style et le rythme de AZ, et visiblement le public aussi car les rires étaient au rendez-vous. Il nous a parlé des entretiens d’embauche, a tourné en dérision la forme et le ton de narration employé dans des reportages de télé française et a souligné avec beaucoup d’ironie l’islamophobie régnante dans certains de ces produits télévisuels.

Néanmoins, sa petite improvisation au début de son sketch autour d’un terme grossier dont il a remarqué l’emploi à tout va par une bonne partie des Tunisiennes et des Tunisiens pour devenir une habitude langagière, n’a pas manqué de fâcher certains et a fait polémique, faisant oublier le reste de son sketch qui était drôle, bien inspiré et bien construit. À croire que le Tunisien n’aime pas qu’on s’octroie son langage et ses expressions et préfère les employer lui-même. On a reproché à l’humoriste son manque de retenue devant un public composé de familles et d’enfants. Il faut rappeler que dans un spectacle destiné, essentiellement, à un public adulte on doit s’attendre à toutes sortes de blagues qui, même en usant d’un langage politiquement correct, n’est pas censé être à la portée d’un jeune public. Le jeune humoriste habitué à l’ambiance détendue des comdy clubs parisiens a présenté ses excuses lors de la conférence de presse qui a suivi le spectacle.

Tareek, de son vrai nom Tarik Raifak, a commencé à faire des stand-up durant ses années du lycée. Il débute en se produisant dans différents cafés-théâtres parisiens. Il mène en parallèle ses études de médecine. À la même époque, tout en continuant les spectacles, il se lance dans une carrière d’animateur sur Beur FM. Sous cette casquette, il nous a affirmé avoir couvert il y a quelques années le festival de Carthage, cette même scène où il se dit avoir l’honneur de se produire cette année.

Après avoir abandonné la fac, en 2012, il est repéré par Jamel Debbouze qui lui propose d’intégrer le Jamel Comedy Club. Il a continué à faire ses preuves et fait les premières parties de quelques humoristes, tout en continuant sa carrière à la radio. En 2017, il est au casting de deux longs-métrages : «C’est tout pour moi» et «Coexister». En 2018, il participe à l’émission, La France a un incroyable talent, et son humour conquiert le public et le jury.

Tareek nous a parlé de son nouveau rôle de papa, un papa-poule qui cède à tous les caprices de son enfant.

Dans un tout autre genre, avec un style singulier et à la manière d’un griot-humoriste, le Franco-Camerounais Saïdou Abatcha, d’origine Peul, nous a dépeint, avec ironie, le monde contemporain.

Costume traditionnel du Cameroun, petite percussion à la main, il a charmé le public, en puisant dans des proverbes africains hilarants et pleins de sagesse, et en se jouant, avec finesse, des mots pour parler de nos sociétés modernes.

L’unique femme du groupe, Laurie Peret, au ton déluré et cru évoque aussi son enfant et parle de couple. Après des débuts sur scène, en 2009, dans la comédie musicale «Mozart, l’opéra rock», des petits rôles au cinéma et à la télévision, la jeune femme acquiert de la notoriété, en 2017, grâce à son sketch «1,2, 3» qui traite de l’accouchement.

L’exceptionnel et très attendu Booder, connu surtout pour ses rôles au cinéma, a été fortement accueilli par le public de Carthage. Le Franco-Marocain a tenu ses promesses, il a su séduire l’audience avec son sens de l’autodérision, son humour décalé et surtout sa capacité à s’adapter et à communiquer avec le public puisant dans la culture du pays.

 

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