Exploitation d’enfants à des fins politiques: les dépassements n’ont plus de limites


L’affaire de l’arrestation du candidat à la présidentielle Nabil Karoui prend, jour après jour, de nouvelles dimensions politique, juridique mais aussi médiatique.
Et en l’absence de tout mécanisme de contrôle en cette période préélectorale, les dépassements se font au vu et au su de tous, et cette fois-ci, ce sont des enfants tunisiens qui ont été exploités à des fins politiques.


Une vidéo montrant des enfants scandant à visage découvert des slogans en faveur du président du parti «Au Cœur de la Tunisie» et candidat à la présidentielle Nabil Karoui, arrêté récemment pour soupçons de corruption financière, a agité la Toile, témoignant d’une exploitation sans scrupules d’enfants à des fins politiques.

Dans un communiqué publié hier,  le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées a affirmé que suite à la diffusion de cette vidéo et son partage sur les réseaux sociaux, mettant en péril les droits des enfants, la justice a été immédiatement saisie. En effet, le ministère a souligné que la vidéo en question porte atteinte au prestige du pouvoir judiciaire et a appelé notamment les parents à « ne plus mêler les enfants aux activités politiques».

Dans ce sens et en coordination avec le délégué à la protection de l’enfance, le ministère public a décidé de prendre les décisions légales nécessaires et d’ouvrir une enquête quant à cette «exploitation de mineurs».

Dans des déclarations médiatiques, la présidente de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, Rawdha Laâbidi, a affirmé que son instance mènera sa propre enquête pour dévoiler ses circonstances et les parties qui sont derrière cette exploitation de mineurs. «A la lumière des données que nous recueillerons, nous communiquerons notre position par rapport à cette affaire et nous prendrons les mesures nécessaires selon la gravité des faits», a-t-elle expliqué.

La vidéo, objet d’une vive polémique, montre des enfants qui scandent un slogan favorable au candidat à la présidentielle Nabil Karoui, où ils insultent même le pouvoir judiciaire, en compagnie de quelques adultes. Pour l’instant, la source de la vidéo et les parties qui l’ont publiée sur les réseaux sociaux sont inconnues, mais l’enquête ouverte par le parquet devra déterminer les responsabilités.

En tout cas, sur les réseaux sociaux, les vives critiques et condamnations ne se comptent plus, certains ont estimé qu’il est honteux de mêler des enfants innocents à des règlements de comptes politiques, et les exploiter à des fins électorales. Même si le code de protection de l’enfant ne réserve pas un article précis pour l’exploitation des mineurs à des fins politiques, son article 6 garantit à chaque enfant le droit au respect de sa vie privée, tout en considérant les droits et les responsabilités de ses parents ou de ceux qui en ont la charge, conformément à la loi.  Ainsi, le rôle du délégué à la protection de l’enfance en charge de l’affaire sera déterminant dans la mesure où ce dernier apprécie l’existence effective d’une situation d’exploitation menaçant ces enfants et leur intégrité physique ou morale.

Dans ce sens, Mehiar Hammadi, délégué général à la protection de l’enfance, a affirmé que le processus de prise en charge des enfants s’opère d’une façon individuelle et en étroite collaboration avec les familles, tenues de protéger l’enfant de tout ce qui risquerait de nuire à ses intérêts et de semer la haine, l’intolérance et la violence conformément aux conventions internationales et aux dispositions du Code de la protection de l’enfant, notamment à l’article 19, qui stipule qu’«il est interdit d’exploiter l’enfant dans les différentes formes de criminalité organisée, y compris le fait de lui inculquer le fanatisme et la haine et le l’inciter à commettre des actes de violence et de terreur».   

 Retour sur l’affaire Karoui

L’affaire de l’arrestation de Nabil Karoui, candidat à la présidentielle, sur fond d’une plainte déposée à son encontre par l’ONG I Watch pour blanchiment d’argent, secoue, actuellement, les scènes politique, juridique et médiatique. Alors que le clan de ce dernier crie à l’instrumentalisation de la Justice et affirme même avoir l’intention d’internationaliser cette affaire, les différents appareils de l’Etat, dont notamment le pouvoir judiciaire, les ministères de la Justice et de l’Intérieur affirment que cette arrestation s’est faite conformément à la loi. Entretemps, sur les plateaux télévisés et radiophoniques et sur les réseaux sociaux, les dérives portant atteinte à la justice tunisienne ne se comptent plus.

C’est notamment la chaîne Nessma TV, qui mène une campagne pro-Nabil Karoui, réservant, quotidiennement, plusieurs heures de diffusion pour influencer l’opinion publique. C’est en tout cas ce que confirme la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) qui a publié un communiqué dans lequel elle affirme que  la couverture médiatique de ladite chaîne est « marquée par de graves violations enregistrées par ce média qui a utilisé ses plateaux pour leurrer l’opinion publique et faire de la propagande au profit de son propriétaire».

Plus récemment, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a annoncé avoir décidé de retirer les affiches publicitaires relatives à l’affaire de Nabil Karoui. Ces affiches, montrant le slogan « la prison ne nous arrêtera pas… Rendez-vous le 15 septembre » pouvaient influencer les électeurs et violent les règles de la période électorale, a estimé l’instance électorale.

Tout ça pour souligner les retombées médiatiques et communicationnelles ayant accompagné le traitement de cette affaire, marquée par plusieurs dérives et dépassements. Mais lorsqu’on exploite des enfants à des fins politiques, la situation devient alarmante, même si pour l’instant son origine est inconnue.

K.J. 

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