Nous sommes aujourd’hui dans le regret de constater et de reconnaître que le fossé qui sépare ce qui est demandé des élus du peuple, par rapport à ce qui est vécu, par rapport également aux valeurs, à leur  authenticité et à leur conformité,  n’a jamais été aussi grand, aussi large, aussi inquiétant.

On savait avant la plénière sur la proposition contre l’ingérence étrangère en Libye que chaque bloc parlementaire, chaque parti et chaque coalition allait  jouer son va-tout, attaquer, porter des coups et tenter par tous les moyens de perturber les débats, voire déstabiliser l’adversaire.

On ne sait pas vraiment qui a pris l’avantage. Mais on réalise cependant que personne n’a jamais pris l’ascendant. Le PDL et ceux qui l’ont soutenu ont échoué à faire passer la proposition contre l’ingérence étrangère en Libye. Ils n’ont pas pu obtenir les 109 voix permettant l’adoption, mais ils ont pu assurer les 94 voix pour face aux 68 contre. Tout cela a de quoi augurer une nouvelle redistribution des cartes au Parlement.

Rached Ghannouchi avait, quant à lui, moins d’assurance,  moins de consistance que lors de ses habituels discours et interventions à l’hémicycle. Il savait déjà que la situation pouvait à tout moment lui échapper. Quand il ne répondait pas aux accusations, c’était par habileté, et non par faiblesse. Quelque part, il a réussi à esquiver les attaques. Certainement pas toutes, mais de façon générale, il ne s’était pas laissé démonter, préférant composer, et surtout contenir les aléas des circonstances, avouant même qu’une remise en question s’impose, mais aussi mettant l’accent sur l’importance du dialogue, tout particulièrement pour la résolution des questions conflictuelles, rejetant l’exclusion, indiquant que la Tunisie peut supporter toutes les tendances dans le cadre d’un dialogue responsable et reconnaissant à la fin que le Parlement a toujours adopté, en ce qui concerne le dossier libyen, la position officielle de la Tunisie, exprimée par le président de la République et reconnue par la légitimité internationale.

A la fin de la plénière, qui a duré 20 heures, les députés ont trouvé encore une fois une raison pour se désunir. Les messages dominants mettent l’accent sur les fractures politiques et l’inexorable montée des discours haineux. Ce serait une illusion de s’attendre à une prise de conscience de la part de ceux qui n’arrêtent pas de surprendre par les fausses évidences, les dérapages dans tous les sens et le souci de dépasser les prérogatives. Lorsqu’on se laisse entraîner dans un conflit d’intérêts, il devient ainsi facile de spéculer sur les valeurs politiques, ainsi que l’exemplarité de tout le paysage et de ses différents acteurs. Un sidérant spectacle !

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