L’entreprise autrement | C’est l’action globale qui manque le plus

Sans le déclenchement d’une vraie révolution, celle capable de transformer positivement mentalités et pratiques, et l’aboutissement de celle-ci,  notre pays continuera sa marche rapide vers la faillite totale avec effritement  de la société et déliquescence de l’Etat.

Si notre pays  est  aujourd’hui  au bord de la faillite économique et financière, c’est bien parce qu’il subit depuis des décennies une vraie crise à la fois éducationnelle, morale, culturelle et intellectuelle, dont les effets destructeurs ont frappé de plein fouet la famille et également  la société entière.

L’un des plus grands problèmes dont souffre notre pays consiste, en effet, en  le manque flagrant et inquiétant  d’encadrement individuel et collectif au niveau de la société toute entière. Un déficit qui ne fait que s’aggraver et qui a donné naissance à tout ce laxisme, ce laisser-aller, ce je-m’en-foutisme, cette impunité  qui est en train de tout détruire.

Comme nous l’avons déjà écrit dans nos précédentes chroniques, les problèmes auxquels est confronté notre pays sont énormes et sont le fruit d’une terrifiante accumulation de dysfonctionnements de différents types et origines, qui font que notre pays est devenu quasi-incapable de résoudre ses problèmes.

Certains  font partie des fondamentaux, sachant qu’aucune action ne pourrait redresser l’économie du pays si elle ne tiendrait pas compte de ces fondamentaux, que nous avons résumés comme suit:

– Une profonde crise morale et sociale concrétisée par  l’action néfaste d’une bonne majorité des Tunisiens pouvant être classés comme faisant partie de ce que nous avons appelé l’anti-citoyen. Il s’agit de personnes souffrant  de la faiblesse du sentiment d’appartenance au pays, d’une  identité collective floue, d’une tendance à l’anarchie, d’une méfiance envers l’Etat pouvant aller jusqu’à la haine avec persistance de la mentalité du beylik, d’individualisme, d’opportunisme, de propension du recours à la violence, de violence, de malhonnêteté caractérisée, etc.

-Une très mauvaise qualité de la vie avec des pseudo-citoyens écrasés par les soucis de la vie quotidienne, l’ignorance, une administration violente et dominatrice, des médias mafieux, une hygiène publique plus que douteuse, un modèle alimentaire néfaste pour la bourse et pour la santé,  des fléaux socio-sanitaires, tels que les diverses drogues, l’absence de moyens pour l’exercice physique et pour les loisirs, etc.

-Une société en décomposition, livrée à elle-même, dotée d’un pacte qui n’en est plus un, tellement qu’il est bourré d’incohérences et de contradictions où le traditionnel est en conflit avec le moderne et où les repères ont été brouillés, avec l’apparition de nouveaux repères dont  la plupart sont importés.

Situation qui a favorisé l’éclatement de la famille, première institution sociale, chargée de l’éducation des nouvelles générations, la faillite du système éducatif et d’encadrement de l’enfance et de la jeunesse (école, collège, lycée, organisations de la jeunesse, service national, médias, etc.), la dégradation de la situation de la femme, des jeunes et de toutes les catégories vulnérables.    

– Le conflit persistant entre Etat (institutions, lois, pouvoir coercitif, etc.) et société, découlant de plusieurs décennies  d’autoritarisme souvent violent,  d’une administration publique castratrice et kafkaïenne. Situation qui a été aggravée depuis l’Indépendance et jusqu’à la première moitié des années 1970 par un Etat  qui nourrissait l’illusion qu’il était providentiel.

– Un Etat de plus en plus affaibli, infiltré par les puissances étrangères, sous l’emprise des corporations et des syndicats et incapable d’assumer comme il se doit sa mission de sécurité urbaine, de pourvoyeur des services sociaux vitaux, de redistribution des richesses, de faire respecter la loi et la justice, etc.   

-Un processus de transition démocratique en panne et qui risque d’échouer, sachant que celui de la justice transitionnelle a connu un échec planifié. Situation qui est en train de préparer le terrain au retour de la dictature. Cela en plus d’un pacte social défaillant.

– Un modèle de développement, comprenant un modèle de consommation catastrophique, toujours en vigueur, ayant conduit le pays vers ce que certains spécialistes ont appelé mal-développement. Déséquilibre régional, écarts notables entre catégories, avec aggravation de la pauvreté et de la précarité, dépeuplement des zones rurales, « rurbanité », d’une part, et aggravation de la dépendance du pays  envers l’extérieur sur tous les plans, politique, économique, technologique et dans le domaine de l’information et des connaissances  et enfin culturel, de l’autre.

Modèle qui est en train d’aggraver depuis des décennies la précarité de notre système de production des richesses, avec baisse continue et inquiétante de la compétitivité et faillite du système de production des compétences et  la dégradation déjà avancée  de l’environnement,  le gaspillage des ressources naturelles (surexploitation et mobilisation insuffisante) et humaines, avec propagation des fléaux sanitaires et socio-sanitaires.

D’où la nécessité d’un profond diagnostic de la situation, d’un plan de sauvetage cohérent réaliste et efficace, conçu d’une manière participative, capable de provoquer une rupture nette avec notre vécu pour un départ tout à fait nouveau et nécessitant la mobilisation totale de toutes les ressources du pays, celles du type humain en premier lieu. (VII et fin).

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