Contrepoint | Simplement, une absence d’Etat

Y a-t-il un lien entre l’ascenseur mortel de l’hôpital de Jendouba et le «discours» diffamant de M. Affès à l’encontre de nos femmes ?

A première vue, aucun. Ici, une infrastructure décrépie. Là, une «idéologie» misogyne.

A bien y voir, si : le laisser-aller, l’absence de l’Etat.

On sait ce que sont nos infrastructures depuis longtemps. Les routières, les immobilières, les scolaires. Et que dire des hospitalières : un effondrement «en marche» voilà deux à trois décennies.

La colère monte après la fin tragique du docteur Badreddine Aloui. Juste. Mourir ainsi, pour rien, si jeune, si tôt ! Mais des morts de cette sorte on en compte en milieu médical comme partout, et, somme toute, pour de semblables causes. Des urgences contaminées, du personnel et des scanners en manque, des égouts à découvert, etc. Des morts de cette sorte, et des causes similaires, mais une raison unique :un Etat négligent, incompétent, indifférent, parfois même, volontairement ou pas, absent.

L’actuel ministre de la Santé s’est empressé de congédier des cadres et des administrateurs de l’hôpital de Jendouba. Le problème est qu’il visitait les lieux il y a de cela un mois. N’a-t-il, lui-même, rien vu, rien prévu ? C’est, hélas, le mal de tous les gens de pouvoir sous nos cieux. De génération en génération, ils décident, ils disposent de l’argent et des marchés, mais quand il s’agit de rendre des comptes, ils s’excluent de toute responsabilité. Des routes mal tracées, des écoles mal conçues, des hôpitaux mal entretenus, dépérissent par leur faute, au final ils restent aux commandes, et ce sont les seconds rôles, les bas de l’échelle, souvent de purs innocents, qui paient pour eux.

Le cas de Affès, idem. Peut-être même en plus clair. Le député d’El Karama a violé le droit, la Constitution, la morale et les conventions internationales en adressant de telles injures à la femme. Pourquoi le fait-il ? Pourquoi a-t-il eu ces audaces? Dire que c’est en vertu de la liberté d’expression est nul et non avenu. Les crimes n’ont strictement rien à voir avec la liberté.

Le sieur Affès savait que nos valeurs et nos lois républicaines restent lettres mortes. Qu’elles sont dépassables, voire bafouables à souhait. Par-dessus tout que leur protecteur, l’Etat, est «hors du coup». Le ministre de la Santé n’a pas craint les retombées de l’affaire de l’hôpital de Jendouba. Le sieur Affès n’avait pas à redouter les conséquences de ses propos. L’Etat négligent, l’Etat indigent, l’Etat hésitant est source de tous nos maux actuels. Chercher ailleurs est presque toujours chercher à côté. La corruption et la criminalité en hausse, l’infrastructure en décrépitude, jusqu’au takfirisme qui pointe à nouveau, n’auraient pas constitué de telles menaces si les gouvernements de la révolution n’avaient eu la main tremblante, si la justice et la police n’avaient été à ce point sous «contrôle», si le nouvel Etat n’avait opté pour le laisser-aller, l’impunité. Simplement, pour une absence d’Etat.

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