De l’utilité d’une union sacrée

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Editorial La Presse

 

L’économie nationale est encore en difficulté. Et même si les dernières statistiques laissent entrevoir une certaine embellie, le contexte demeure critique et les risques d’aggravation sont de taille.

Comprendre qu’on est toujours dans l’urgence économique, car les programmes de réforme et de redressement entrepris jusque-là restent timides et peu adaptés aux exigences de la conjoncture actuelle.

Certes, le manque de moyens, notamment financiers, n’a pas permis à nos premiers décideurs de maintenir un rythme de «correction économique» à la fois rapide et efficace, mais on reconnaît que la mauvaise implication de certains acteurs nationaux, —  surtout leurs divergences — a pénalisé, pour ne pas dire carrément bloqué, la bonne marche des actions de redressement. On pense en particulier à certaines organisations nationales dont l’engagement pour le développement a toujours, ou presque, fait défaut.

C’est le cas, entre autres, de l’Ugtt mais aussi et surtout de l’Utica. En effet, la présence de la centrale patronale, tout comme celle de l’organisation syndicale, se fait rare ces derniers temps, et même trop discrète. Une absence inhabituelle qui a nourri beaucoup d’interrogations.

Certains parlent d’absence de stratégie, d’autres d’un simple recul, alors qu’une minorité soupçonne une démission indirecte de la scène nationale.

Quelle qu’en soit la réponse, cette éclipse est pour certains observateurs inadmissible. Les deux centrales, qu’on le veuille ou non, ont régulièrement apposé leurs signatures sur notre politique de développement.

On se rappelle d’ailleurs que c’est grâce à l’Utica et à l’Ugtt, avec le reste des membres du quartet, parrain du dialogue national que notre pays a pu éviter une guerre civile certaine. Ce, qui leur a valu le Prix Nobel de la paix 2015.

En effet, au lendemain du soulèvement du peuple tunisien, notre quartet s’est mobilisé rapidement autour d’un pacte unitaire avec la mission stratégique de concrétiser les objectifs de la révolution et d’accompagner notre pays dans sa transition économique et politique, loin de toute tension sociale ou mise aux enchères.

Mais cette union sacrée n’était malheureusement qu’éphémère. Nos organisations nationales, notamment l’Utica et l’Ugtt, ont retrouvé rapidement leurs vieux démons pour s’engager dans un conflit d’intérêts en vue d’« asseoir leur leadership socioéconomique dans un paysage politique en pleine mutation ». Un conflit qui a fini par pénaliser sérieusement la transition économique tant espérée.

Cela est d’autant plus vrai que les deux centrales ont toujours été deux «poids lourds» de notre paysage socioéconomique et même politique.

Lorsque on parle de l’Utica, on pense directement à plus de 150.000 entreprises opérant dans les principaux secteurs économiques et surtout à plus de 2 millions d’employés, alors que l’Ugtt, c’est avant tout plus de 750.000 salariés. Difficile donc que leur absence passe inaperçue. Aujourd’hui, la complexité de la conjoncture impose à nos deux organisations de dépasser leurs divergences, du moins les dissimuler, et s’associer pleinement à l’effort de nos premiers décideurs dans leur quête de relance socioéconomique.

En effet, face à un secteur public encore pléthorique et face à la timidité des ressources financières de l’Etat, l’Utica, c’est-à-dire le secteur privé, doit se positionner comme un régulateur et un partenaire à part entière, à travers la dynamisation des investissements de développement et la garantie de nouvelles ressources de financement.

Pour sa part, l’Ugtt, en tant que force sociale et même politique de taille, doit constituer «un amortisseur» fiable de toute éventuelle tension. Les enjeux sont trop importants pour permettre une quelconque division.

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