Esquisse | Mohamed Tlili, un rebelle sur les hauteurs (II)

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Rentré précipitamment de Paris en été 1974 suite au décès de son père, le jeune Mohamed Tlili prit le parti de se réinstaller au Kef sans avoir achevé ses études supérieures en histoire. Il n’en décida pas moins de pratiquer l’histoire sur le terrain dans sa région natale. Ayant pris l’attache de l’Institut national d’archéologie et d’art (Inaa) que dirigeait alors le grand épigraphiste Ezzeddine Beschaouch, il se vit chargé d’être une sorte d’antenne de l’institution dans cette région du pays mais, sur le plan administratif, non en tant que chercheur mais d’ouvrier ! Il faut rappeler qu’après la débandade de l’expérience «socialiste» menée durant la décennie précédente, bien des travaux de restauration et de fouilles étaient restés en suspens, faute de moyens et d’encadrement.

Le Kef avait hérité d’un chantier majeur, celui de la fameuse «basilique», ce monument antique qui avait été annexé à la Grande mosquée et que Bourguiba avait décidé de la lui extraire pour lui restituer sa vocation de monument historique et qui commençait à susciter la convoitise de nostalgiques pressés de prendre une revanche sur le «laïcisme» du président de la République.

Au cours de la saison 1975/76, les derniers travaux de réhabilitation de l’espace étaient achevés avec l’installation des portes et des fenêtres. C’était le point de départ d’une dynamique dont les effets se feront ressentir jusqu’à nos jours. Cela a coïncidé avec un stage d’un an à Bruges au Collège de l’Europe et au cours duquel Mohamed Tlili a été formé à la conservation et à l’animation du patrimoine culturel urbain. Et voici comment il a opéré la jonction entre préoccupations professionnelles et ouverture sur l’environnement citoyen.

La planète el-Kèf reste à découvrir

En effet, la «Basilique» est devenue le foyer d’une intense activité culturelle et ludique. En semaine, on y organisait des expositions et toutes sortes de rencontres ; et, en week-end, le Collectif la Basilique y produisait des rencontres musicales qui, au fil du temps, ont donné naissance à la fameuse troupe Ouled Boumakhlouf. La même fièvre a gagné un autre monument historique, l’église Saint Pierre qui a accueilli, elle, un théâtre de poche. Et tout cela a culminé avec le lancement du Festival Sidi Boumakhlouf. Et pour synchroniser, coordonner et encadrer tant d’activités, une Association de sauvegarde de la Médina (ASM) a vu le jour en 1977.

Parallèlement à cette activité, Mohamed, muni d’une carte d’état-major, arpentait le pays pour le prospecter et établir les fiches des divers sites et monuments archéologiques et historiques de la région. Il avait appris cette technique à l’Institut d’Archéologie de Paris.

Mais cet archéologue atypique était rongé par un autre souci. Celui de démontrer de façon académique que la planète el-Kèf était encore à découvrir.

(A suivre)

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