Festival de Cannes – La palme d’Or pour Anora de Sean Baker : Un palmarès surprenant 

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Le jury de la 77e édition du festival de Cannes a créé la surprise en attribuant la Palme d’Or à un outsider, l’heureux récompensé, lui-même, ne s’y attendait pas, en déclarant aux journalistes : «C’est un rêve, je ne réalise pas encore que j’ai eu la Palme».

C’est que les critiques et les cinéphiles s’attendaient à voir «Bird» d’Andrea Arnold ou  «Emilia Perez» de Jacques Audiard ou encore «Les graines du figuier sauvage» de Mohammed Rasoulof rafler la récompense suprême mais la réalisatrice et actrice américaine Greta Gerwig a déclaré, lors de la conférence de presse qui suit le Palmarès, que le jury a été «envoûté» par le film et d’ajouter «On a laissé parler nos cœurs».

Il est vrai, aussi, que les jurés et leur présidente ont voulu récompenser un film américain indépendant d’autant que la dernière Palme d’Or américaine remonte à  13 ans et a été octroyée à Terrence Malick pour « The tree of life».  Du genre comédie, «Anora» se focalise sur les ouvrières du sexe à travers le vécu d’Anora (Mikey Madison). Il faut dire que Sean Baker s’est toujours intéressé dans ses métrages à l’image de « Starlett»  et «Red Rocket», aux marginaux et aux laissés pour compte. Certes, la rencontre rocambolesque d’Anora, strip-teaseuse new-yorkaise, avec le fils d’un oligarque russe a de quoi séduire, mais le réalisateur ne va pas au fond des choses et se contente de les effleurer. Le monde des Carl-girl demeure obscur sans être mis à nu dans ce «Pretty Woman» moderne.

« All we imagine as light » de Payal Kapadia, grand prix du jury

Le Grand Prix, attribué à «All we imagine as light» de l’Indienne Payal Kapadia, récompense un film de femmes, la réalisatrice et ses trois actrices, et un film qui traite de la place des femmes au sein de la société indienne à travers le quotidien de deux colocataires infirmières. Le film évoque subtilement, dans une approche emphatique, le désir d’indépendance ou le désir tout court ainsi que la manière dont il est vécu par les deux protagonistes d’âges et de caractères très différents, la plus jeune, Anu,  est insouciante, joviale, drôle, libre,  tandis que  Prahba, plus âgée, est tourmentée, taciturne, secrète et méfiante, c’est quasiment l’enjeu essentiel du film, car c’est cette opposition entre les 2 personnages qui fait évoluer le récit. L’approche contemplative de cet opus qui traite, entre autres, de la sororité distille une critique subtile de l’Inde.

De grands noms du cinéma repartis bredouilles 

Jacques Audiard, sérieux candidat à la Palme d’Or, avec «Emilia Perez», s’est, ainsi, contenté d’un double prix, celui du jury et celui de l’interprétation féminine octroyé à l’ensemble de ses actrices, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez , Adriana Paz.  Cette comédie musicale est axée sur une avocate qui aidera un narco-trafiquant à réaliser son voeu : se transformer en femme. Encensé, le film était un sérieux candidat à la Palme d’Or, mais le jury lui a préféré «Anora».

Le prix de la mise en scène a échu à «Grand tour» du Portugais Miguel Gomez où on suit un fonctionnaire britannique qui, pour fuir le mariage, entame, à partir de la Birmanie, un grand tour en Asie. C’est dans un va et vient entre noir et blanc et couleurs que se déroule ce trip, façon road-movie qui manque franchement de cohérence et de rythme. 

Jacques Audiard récompensé par le prix du jury pour «Emilia Perez»

Mohammad Rasoulof dont l’opus «Les graines du figuier sauvage», tourné dans la clandestinité, était fortement pressenti pour la récompense suprême, est reparti avec seulement un prix spécial du jury. Présent à Cannes après avoir fui l’Iran, Rasoulof a séduit les festivaliers, dans ce drame puissant où il file la métaphore sur l’état actuel de son pays. 

Le prix de l’interprétation masculine a échu à Jessy Plemons pour son rôle dans « Kind of Kindness» du Grec Yorgos Lanthimos.

Le prix du scénario a récompensé Coraline Fargeat pour «The substance», un film ultra gore où Demi Moore joue pleinement le jeu

Ainsi, dans la compétition officielle, plusieurs noms importants du cinéma mondial, tels Coppola, Cronenberg, Shrader, Lanthimos sont repartis bredouilles. Sont-ce les nouvelles générations qu’on pousse pour qu’émergent de nouveaux noms? Cela semble bien le cas. 

La Caméra d’Or a été décernée au film «Armand» du Norvégien Halfdan Ullmann Tondel qui n’est autre que le petit-fils des grands Ingmar Bergman et Liv Ullmann. Enfin, la Palme d’Or du court métrage a été attribuée à «L’Homme qui ne se taisait pas» du Croate Nebodja Slijepcevic.

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