Les «laïcs» de l’ARP ont donc applaudi au rejet de la loi sur le «fonds d’ezzaket» proposée par Ennahdha. Nos élites modernistes, sans doute aussi. Le décompte du vote a tranché net, en effet, au détriment des partisans de l’islam politique et de la chariaa. Plus d’une centaine contre, en comptant les abstentionnistes, alors que nahdhaouis et députés d’«El Karama» ne récoltaient que leur «total particulier», loin, très loin de la majorité absolue. On nous rappelle, du reste, que cette même «caisse d’ezzaket» avait, déjà, essuyé, un refus en 2012, à l’époque de la constituante et de la «troika». Preuve qu’au niveau institutionnel, du moins, l’idéologie religieuse a toujours du mal à imposer ses vues.

Au niveau des Institutions, certes, oui, mais ailleurs, hors des murs de l’Etat, du gouvernement, du parlement? Dans nos pratiques quotidiennes, dans nos écoles par exemple, dans nos mosquées surtout ? Et l’on y ajoutera, ici, le plus grave, peut-être, mais qui passe comme inaperçu :dans nos journaux, nos radios, sur nos plateaux télé, le pire, enfin à notre sens, dans nos «variétés», nos «télé réalités» ?
Là, de toute évidence, les choses se décident autrement qu’en rapport direct avec un vote au parlement. Là, en tous pays, au contact, «pur», du monde et des gens, de leurs diversités et de leurs contradictions, se teste la volonté des élus, la vraie force des lois.
Là, en plus simple, on mesure l’abnégation citoyenne et la primauté de l’Etat.

L’ARP a rejeté le projet du «fonds d’ezzaket» ’Ennahdha. L’une des cinq «faraedh» de l’Islam. Est-ce à dire que l’article premier de la Constitution ne souffre plus d’aucune autre lecture et que l’Etat Tunisien n’ a plus à craindre pour sa civilité ?
Loin s’en faut encore, ne nous précipitons pas.
Le texte, déjà (le fameux article 1) ne trouve pas de réponse. Les civilistes y associent l’islam au pays, et les islamistes à l’Etat. Les deux sens s’admettent, c’est sans issue. Mais (on l’a dit) c’est sur le terrain, au niveau culturel, idéologique, «à celui des idées» précise si bien l’excellent universitaire essayiste Hamadi Redissi, que «tout se résout» en ce moment en Tunisie.

Les «idées» ce sont d’abord les croyances enracinées. Le conservatisme musulman qui perdure depuis des siècles sous nos cieux. Intouchable, immuable. Le Tunisien peut être un moderniste convaincu, électeur de gauche, mais adhérer, insensiblement, aux traditions et aux préceptes les plus sévères de la religion. Hamadi Redissi rappelle qu’ «Ennahdha est minoritaire en chiffres mais qu’elle parvient à se saisir du pouvoir en jouant uniquement sur ça». Les écoles coraniques qui poussent spontanément dans le pays, sans se soucier ni de cahiers des charges, ni d’autorisations, ni de lois, résultent le plus souvent de ce conservatisme. Les instituteurs du genre de Aguereb, les imams qui invitent encore au jihad, de même. Tous croient agir de bonne intention. Tous pensent bien faire en laissant de côté la législation civile, et en se fiant à la, seule, «chariaa».

Les «idées», coïncideraient, aussi, en l’espèce, avec les incultures, les ignorances et les irresponsabilités qui «pullulent» en nous, autour de nous, depuis la révolution. Paradoxalement au nom «des droits conquis et de la liberté de penser». Et hélas, toujours, aux dépens de l’intérêt général, des lois et de l’Etat.
Pour inculture et ignorance, on citera l’exemple d’animateurs télés, influents, qui traitent sans broncher de délits gravissimes, telles la violence aux femmes et la polygamie.
Et pour irresponsabilité, il n’y a qu’à songer à ceux qui les laissent faire. Décideurs et patrons de médias. On en a parlé l’autre jour : ceux qui légifèrent et/ou prônent les interdits légaux et qui garantissent, en même temps, les impunités.
Pas simple, on le voit bien. !

Laisser un commentaire