Filière du Colza: La Tunisie veut renforcer son autonomie en huiles et protéines végétales

En partant d’une surface récoltée de 460 ha durant la campagne 2014-2015, la culture du colza en Tunisie a enregistré une croissance continue pour atteindre une surface récoltée de 11.900 ha au cours de la saison 2019-2020, soit un taux annuel moyen de croissance de 95% en surfaces entre 2014 et 2020.


En Tunisie, le développement de la culture du colza a débuté en 2014 suite à l’initiative lancée par le ministère de l’Agriculture et la société Carthage Grains. En effet, l’introduction du colza a été motivée par la nécessité de diversifier la rotation des cultures afin de renforcer les performances des cultures céréalières, mais également pour améliorer l’autonomie nationale en huiles et protéines végétales.

Partant de ce constat, Terres Univia, l’interprofession française des huiles et protéines végétales destinées à l’alimentation humaine, en partenariat avec l’Union européenne, vient de lancer le programme “Maghreb Oléagineux” en Tunisie, qui a comme objectif principal de contribuer au développement de la production locale du colza, en promouvant l’utilisation de semences produites en Europe qui ont, bel et bien, confirmé leurs performances durant ces dernières années.

Un réel intérêt pour la filière

Lors d’une conférence de presse, Walid Hachicha, directeur des risques à Carthage Grains, a indiqué que l’introduction de la filière du colza a été motivée par la nécessité de répondre à des problématiques diverses et variées qui visent à augmenter les rendements de blé et la performance des exportations tunisiennes en diversifiant les rotations, améliorer l’autonomie nationale en huiles et protéines végétales, étant donné que les besoins nationaux en tourteaux et huiles végétales s’élèvent respectivement à 450.000 et 240.000 t et améliorer la balance commerciale en réduisant les importations.

«Depuis sa création il y a six ans, la filière du colza a connu un rythme de croissance très prometteur, qui s’est traduit par un taux de croissance annuel moyen des surfaces de l’ordre de 95%. En partant d’une surface récoltée de 460 ha durant la campagne 2014-2015, nous avons atteint une surface récoltée de 11.900 ha durant la dernière campagne 2019-2020, ce qui a permis d’obtenir 17.900 t de graines de colza, soit après trituration : 10.800 t de tourteaux (près de 60%) et 6.800 t d’huiles (près de 38%). Les superficies semées durant la campagne 2020-2021 sont estimées autour de 15.000 ha», précise-t-il.

575 millions de dinars de gains au niveau de la balance commerciale

Selon M.Hachicha, les surfaces cultivées en céréales sont estimées autour de 1,2 million d’ha. Sur la base d’une rotation triennale, cela correspond à 400.000 ha de surfaces en rotation, ce qui nous permet de définir comme objectif principal, à long terme, une surface totale de 150.000 ha cultivés en colza, avec une quantité récoltée estimée à 300.000 t, dont 180.000 pour la production de tourteaux (ce qui représente 40% de la consommation nationale en tourteaux) et 120.000 t pour la production des huiles (ce qui représente 50% de la consommation nationale en huiles végétales). «Le développement de cette filière aura un impact sur les rendements de blé, qui se traduit par une augmentation moyenne de 20% des rendements de blé, ce qui va donner 43,5 millions de dinars d’importation en moins pour le pays et 43,5 millions de dinars de revenus supplémentaires pour les agriculteurs », souligne-t-il.

Il ajoute que le développement de la filière du colza contribue aussi à améliorer la balance commerciale du pays en favorisant la réduction des importations. Cela se traduit par des gains estimés à 575 millions de dinars, au niveau de la balance commerciale qui sont divisés comme ceci: la production de 180.000 t de tourteaux signifie 290 millions de dinars de gains, la production de 120.000 t d’huile permet des gains estimés à 360 millions de dinars, et la baisse des coûts de semences et herbicides importés nous permet de gagner 75 millions de dinars…

«Pour toutes ces raisons, le développement de la filière oléagineuse constitue une nécessité et un réel intérêt pour l’économie nationale et pour l’enjeu de la souveraineté alimentaire grâce aux efforts positifs engendrés sur le rendement en céréales et sur la performance globale des exportations tunisiennes, au développement d’une production nationale qui permet d’accroître l’autonomie nationale en huiles et protéines végétales, aux gains générés au niveau de la balance commerciale suite à la réduction des importations en blés, en huiles et en protéines végétales…», précise M.Hachicha.

La souveraineté alimentaire, un enjeu national majeur

Pour sa part, Leïth Ben Becher, fondateur et vice-président du Synagri, affirme que la crise du Covid-19 a été révélatrice de la nécessité d’améliorer l’autonomie alimentaire du pays et d’assurer un approvisionnement national. Mais pour assurer cette souveraineté alimentaire, qui reste un enjeu national majeur, il est de l’intérêt d’avoir un secteur agricole résilient en contexte de crise et le développement de la culture du colza en Tunisie constitue une réelle opportunité pour le secteur.

Il ajoute que la substitution des importations par la production locale de colza a du sens au niveau économique. Elle est même nécessaire dans un pays dans lequel le secteur agricole occupe une place si forte dans l’économie. Chaque substitution d’importation par une production nationale ne peut qu’améliorer la santé économique et sociale de la Tunisie, et en particulier du monde rural, toujours très dépendant de l’agriculture.

Par ailleurs, la dynamique de développement de la filière du colza doit être poursuivie et renforcée pour augmenter nos volumes de production et ainsi limiter notre dépendance aux marchés internationaux. Cela permet, également, de renforcer toute la méga-filière de grande culture, ce qui contribue à la réduction de notre dépendance à l’égard de l’étranger. «Le fait qu’on soit une multitude d’acteurs (privés, coopératives, associatifs…) qui peuvent intervenir dans la construction de la filière est essentiel, mais cela signifie également que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer (intervention, régulation, normalisation…) pour le développement de cette filière. Cela permet aux acteurs tunisiens d’avoir de la visibilité pour pouvoir investir et s’investir», souligne-t-il.

Important ici de souligner qu’il a été convenu lors de l’atelier colza, organisé par le ministère de l’Agriculture en décembre 2020, que l’ONH fera des appels d’offres pour l’huile de colza et accordera aux produits tunisiens 10% de préférence nationale. Cette mesure n’est pas nouvelle. Elle était déjà prévue dans la réglementation tunisienne. La nouveauté sera de lancer des appels d’offres spécifiquement pour l’huile de colza. Cette mesure est bénéfique à la filière, mais aussi à l’économie du pays, puisque cela favorise la création de valeur sur place plutôt que de recourir  à l’importation.

Accompagner les agriculteurs tunisiens

Compte tenu de cette demande stratégique, de l’enjeu que représente la sécurité alimentaire, et de la nécessité d’optimiser et augmenter la production du colza en Tunisie, les professionnels de Terres Univia ont élaboré un programme de formation, destiné aux conseillers. De plus, le programme intègre des sessions de visite aux champs (ou «Field Days»), animées par les conseillers et destinées à leur réseau d’agriculteurs. Ces visites permettent de diffuser les bonnes pratiques de conduite du colza et d’observer le comportement des variétés européennes à différents stades. Dans le contexte sanitaire lié à la Covid-19 et conformément aux réglementations en vigueur, une partie des formations et Field Days ont été réalisés sous un format en ligne, grâce à la diffusion de vidéos techniques sur les réseaux sociaux.

«La campagne agricole 2019-2020 a permis de former 46 conseillers (avec un ajustement de l’organisation, compte tenu de la crise de Covid-19), de mettre en place des plateformes de démonstration variétales & paquet technique et de réaliser 60 «Field Days» (en présentiel ou à distance) sensibilisant près de 1.611 agriculteurs», précise Rachid Zouani, ingénieur général, sous-directeur adaptation variétale & qualité technologique à l’Institut national des grandes cultures (Ingc).

Il ajoute que pour la saison 2020-2021, pas moins de 223 acteurs du monde agricole ont suivi la session 1 des Field days, 22 conseillers agricoles sont engagés dans le cycle de formation et 5 plateformes de démonstration ont été installées. «Grâce au travail de sensibilisation et de formation conduit par l’Ingc depuis plusieurs années, et appuyé depuis 2019 par la campagne Maghreb Oléagineux, on a enregistré une évolution remarquable du nombre des agriculteurs engagés et de la superficie. Pour le nombre d’agriculteurs, il est passé de 55 durant la saison 2014-2015 à 364 durant la saison 2019-2020 pour atteindre 550 agriculteurs durant la saison 2020-2021. Quant à la superficie, elle est passée de 856 ha (2014-2015), à 12.600 ha (2019-2020) pour arriver à 16.300 ha durant la saison 2020-2021. Cela confirme, encore une fois, la forte demande pour le développement des surfaces, outre le potentiel de la culture», souligne M. Zouani.

Pourquoi les semences européennes ?

Malgré une campagne impactée par des conditions climatiques mouvementées, le rendement moyen de la récolte de colza a atteint, durant la dernière campagne, 15 quintaux/ha, avec un rendement maximum de 33 quintaux/ha dans certaines régions. Avec un approvisionnement en semences de qualité, saines et traçables, c’est l’ensemble de la filière oléagineuse qui est renforcée et qui est en mesure d’exprimer son potentiel. Les agriculteurs tunisiens ont su saisir de l’opportunité de la proximité géographique avec l’Europe qui permet non seulement un restockage rapide des semences, mais aussi une gestion logistique à moindres coûts et risques comparés à un approvisionnement dans d’autres pays.

Enfin, avec plus de 1.100 variétés inscrites, le catalogue européen offre aux agriculteurs tunisiens un large choix pour sélectionner les semences les plus adaptées aux conditions agro-climatiques de leurs exploitations.

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