Salon de la création artisanale : Les bonnes raisons pour valoriser les métiers de l’artisanat

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L’artisanat tunisien, riche de son histoire et de sa diversité, est souvent réduit à des clichés restrictifs. Pourtant, il offre une multitude de produits d’une grande qualité et d’une diversité impressionnante. Pour promouvoir ce secteur et le libérer des stéréotypes, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre.

La 40e édition du Salon de la création artisanale s’ouvre aujourd’hui, 24 mai, jusqu’au 2 juin, au Parc des expositions du Kram, à Tunis. Ce rendez-vous annuel est tant attendu aussi bien par les artisans que par les créateurs et les clients pour promouvoir et découvrir les dernières nouveautés artistiques et artisanales. Ce salon contribue, en effet, à mettre en lumière l’artisanat tunisien souvent oublié ou éclipsé par le tourisme, bien que nous évoquions ici un secteur à fort potentiel en matière de promotion de la destination et de l’identité nationale.

Le secteur de l’artisanat en Tunisie doit occuper une place de choix dans l’économie nationale, la vie sociale et le patrimoine culturel. Cette importance se manifeste à travers diverses dimensions qui, ensemble, contribuent au développement de la destination localement mais aussi à l’échelle internationale. Source essentielle de création d’emplois, notamment dans les zones rurales où les opportunités professionnelles sont souvent limitées, les métiers artisanaux, qu’ils soient liés à la fabrication de tapis, de céramiques, de bijoux ou d’articles en cuir, génèrent des milliers d’emplois, mais aussi des revenus en devises et surtout un renforcement du patrimoine.

Mais ces dernières années, en dépit des stratégies gouvernementales mises en place pour promouvoir et protéger ces créations artisanales, le secteur ne connaît pas ses meilleurs jours. Deux problèmes de taille se posent : un manque de visibilité des produits et une concurrence déloyale des produits contrefaits.

Cela fait que l’évolution du secteur va en dents de scie. Frappés de plein fouet par la crise touristique, puis par la pandémie, l’artisanat tunisien commence à reprendre son souffle, mais des pas restent à franchir pour le placer sur le devant de la scène.

Les produits artisanaux bénéficient d’une grande réputation à l’international. Leur exportation apporte des revenus en devises étrangères, contribuant ainsi à l’équilibre de la balance commerciale du pays. 

Les États-Unis, le plus grand importateur des produits de l’artisanat tunisien

Les recettes d’exportation des produits artisanaux ont atteint plus de 350 millions de dinars en 2022, selon les derniers chiffres officiels, enregistrant une hausse de 17%. Cela témoigne de l’importance croissante de l’artisanat dans l’économie tunisienne. En effet, le secteur contribue déjà à hauteur de 5% du produit intérieur brut (PIB) et emploie environ 350.000 personnes à travers le pays. Chaque année, il génère également 6.000 nouveaux postes d’emploi, offrant ainsi des opportunités essentielles aux artisans talentueux et aux jeunes entrepreneurs. 

Les États-Unis sont le plus grand importateur des produits de l’artisanat tunisien dans le monde, suivis de l’Union européenne.

De nos jours, l’artisanat ne se limite plus seulement à la poterie de Nabeul, aux tapis de Kairouan ou aux petits métiers artisanaux des différentes médinas. Aujourd’hui, nous évoquons de jeunes créateurs et créatrices qui mêlent talent, innovation et nouvelles technologies, nous évoquons également des start-up hautement actives dans le domaine de l’artisanat. Sauf que des problèmes de financement se posent.  Dans ce sens, la jeune créatrice de bijoux artisanaux Mira déplore le manque d’encouragement de l’Etat. Dans ce sens, elle souligne la réticence des banques de microcrédit qui rejettent des demandes de crédits en raison de la fragilité de cette activité. « Parfois, les jeunes créateurs se sentent exclus des stratégies de l’Etat qui se concentrent sur le tourisme, l’agriculture et les services. Nous manquons par exemple d’une agence nationale de promotion de l’artisanat qui est toujours perçu comme un ensemble de métiers traditionnels. Or,  le monde change, l’artisanat englobe de nos jours de nouveaux métiers et de nouvelles créations », a-t-elle expliqué.

D’ailleurs, pour les experts en la matière, l’artisanat tunisien attire de plus en plus une clientèle plus jeune et « internationale». Il est donc essentiel de collaborer avec des designers contemporains. Ces collaborations peuvent aboutir à la création de produits qui intègrent des éléments traditionnels avec des touches modernes.

De même, ces jeunes créateurs plaident en faveur d’une visibilité  en ligne. Créer des sites web et des boutiques en ligne bien conçus permet de vendre des produits artisanaux tunisiens à un public mondial. Accéder à des plateformes de commerce électronique permet également de vanter le produit artisanal tunisien. Or des barrières financières et l’impossibilité de créer des comptes bancaires en devises limitent considérablement ces opportunités.

La contrefaçon, ennemi de l’artisanat  

Au-delà de son impact économique, l’artisanat joue un rôle crucial dans le développement social de la Tunisie. Il est un vecteur de préservation des savoir-faire traditionnels, ces techniques et compétences ancestrales étant transmises de génération en génération. Cela renforce l’identité culturelle du pays et assure la continuité des traditions locales.

Le secteur artisanal favorise également l’inclusion sociale en intégrant des groupes souvent marginalisés, tels que les femmes et les jeunes. En leur offrant des opportunités économiques, l’artisanat contribue à leur autonomisation et à leur participation active à la vie économique et sociale du pays. Par ailleurs, il encourage le développement des communautés locales, permettant aux régions de tirer parti de leurs ressources et savoir-faire spécifiques, et ainsi de réduire les disparités régionales.

Cependant, la première menace reste la contrebande et la contrefaçon. Dans le secteur de l’artisanat, le chiffre est phénoménal. Selon la Fédération nationale de l’artisanat (FNA) à l’Utica, ces deux pratiques illicites font perdre à l’Etat entre 80 et 90 millions de dinars par an, sans parler des torts qui sont faits à l’artisanat et au patrimoine tunisiens.

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